“Le bio abîme et épuise les sols par le labour et le cuivre”

On entend parfois dire : « les bios sont pour le labour, et labourer abîme le sol ». Si vous entendez ce discours, votre interlocuteur enchaînera probablement en vantant les mérites d’autres techniques comme l’agriculture régénérative ou encore l’agriculture de conservation des sols, lesquelles visent la régénération des sols et proscrivent le labour, imposent la couverture permanente des sols et diversifient les espèces cultivées.

Mais faut-il vraiment opposer ces approches et le bio ? Non !

Le règlement bio vise aussi à produire dans un sol vivant et à maintenir la fertilité des sols. En effet, il est indiqué que la production végétale biologique a recours à des pratiques de travail du sol et des pratiques culturales qui préservent ou accroissent la matière organique du sol, améliorent la stabilité du sol et sa biodiversité, et empêchent son tassement et son érosion.

Le cahier des charges de l’agriculture biologique autorise néanmoins le labour pour ne pas utiliser des herbicides, mais aussi pour aérer le sol, enfouir les matières organiques et les résidus des cultures précédentes pour nourrir la suivante, et casser le cycle de certaines maladies. Mais le labour n’est pas une obligation. D’autres formes de travail du sol plus en superficie existent avec des outils adaptés.

N’opposons pas bio et régénératif : on peut parfaitement être l’un et l’autre.

En revanche, il n’y a pas de définition légale ou réglementaire de l’agriculture régénérative, il s’agit d’un concept dont la base scientifique est peu fournie, et les interprétations nombreuses.

Depuis une dizaine d’années, les recherches s’accélèrent pour adapter l’agriculture bio au non-labour, et notamment pour trouver des solutions pratiques d’élimination des adventices (le terme utilisé en agriculture pour parler des « mauvaises herbes »).

C’est d’ailleurs au sein de la famille bio qu’est né le concept d’agriculture régénérative, qu’on doit notamment au Rodale Institute et à la Regenerative Organic Alliance d’Elisabeth Whitlow (« organic » étant le mot anglais pour désigner l’agriculture biologique). Mais à la fin des années 2010, l’expression « agriculture régénérative » a été reprise par de grands groupes de l’agro-alimentaire pour verdir leur approche productiviste, avec de nouveaux labels qui interdisaient certes le labour… mais autorisaient le glyphosate. Dès lors, nous n’avons pas de preuve scientifique que l’on peut « régénérer » avec du glyphosate, ce qui explique que les Agences de l’Eau ne soutiennent pas financièrement l’agriculture dite régénérative. Sauf si elle est bio.

L’autre sujet clivant : le cuivre – notamment dans les vignes, où la « bouillie bordelaise » est utilisée comme fongicide, autorisé en bio, et qui nuit à la vie des sols.

Or, l’utilisation de cuivre est strictement encadrée (4 kg/an et par ha), en bio comme en non-bio. Et que les produits utilisés comme fongicides par les viticulteurs qui n’utilisent pas de cuivre sont souvent classés CMR (cancérogène mutagène reprotoxique).

Et attendant que les recherches en cours permettent de trouver une alternative à l’utilisation de cuivre, notons que jamais un captage d’eau potable n’a été fermé à cause d’une accumulation de cuivre. Alors qu’on en ferme plusieurs centaines par an pour cause de contamination aux nitrates ou aux pesticides… La France compte environ 33 000 captages d’eau potable. Toutefois, plus de 14 000 ont été abandonnés depuis les années 1980, notamment en raison de pollution aux nitrates et pesticides synthétiques.