Voilà une des idées reçues les plus retorses. Depuis plus de 40 ans, l’agriculture biologique est associée à un cliché qui mélange beatniks, hurluberlus qui se contentent d’arroser leurs plantes et de les regarder pousser sans rien faire pour améliorer leur rendement ou pour lutter contre les pucerons. Et ils font des câlins à leurs chèvres tous les soirs et labourent avec des chevaux…
Les agriculteurs bio n’aiment pas plus que les autres voir leurs plantes dévorées par des insectes, ou leurs animaux blessés et malades. La différence, c’est qu’ils s’interdisent tout recours à des molécules de synthèse. En renonçant à 384 substances sur les 455 autorisées en Union européenne pour l’agriculture standard. Ils utilisent 71 produits chimiques dits naturels, soufre, cuivre, kaolin, petit-lait, vinaigre… Pas de pschitt immédiat de destruction des insectes, des maladies. Dès lors, ils n’ont pas d’autre choix que de devenir des geeks de l’agronomie, et d’innover en permanence pour s’adapter aux sols, aux saisons et aux aléas. Le bio est technique, et les bio ont une vocation de recherche-développement permanente.
C’est ainsi que les bios développent et partagent leurs expériences en matière d’associations de cultures, pour que les plantes se protègent mutuellement (poireaux et carottes par exemple, pour éloigner mouches et teignes), voire se renforcent, comme on le constate dans de nombreuses associations entre céréales et légumineuse, des lentilles sous les courges, des moutons dans les vignes pour désherber …. Le pâturage mixte entre ovins et bovins, est un moyen de réduire la pression parasitaire, le pâturage tournant permet d’éviter de faire pâturer les animaux dans des zones infectées Et pour imaginer de nouvelles associations fructueuses, on peut compter sur les recherches menées par les scientifiques de l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) ou de l’ITAB (Institut technique de l’agriculture biologique), ainsi bien sûr que d’autres laboratoires dans d’autres pays. D’ailleurs, le saviez-vous ? L’INRAE est n°1 mondial en recherche agronomique, que ce soit pour l’agriculture en général, mais aussi pour l’agriculture biologique.
Les bios inventent aussi des outils nouveaux. Un exemple ? Les herbicides (dont le glyphosate) étant totalement interdits en agriculture biologique, les bios ont été à la pointe d’innovations en matière de bineuses – qui sont aujourd’hui utilisées aussi en non-bio. Ces outils, et bien d’autres, sont exposés tous les deux ans au salon « Tech & bio », qui réunit ainsi plus de 20 000 visiteurs. Allez donc faire un tour, et vous nous direz si vous pensez toujours que les bios n’utilisent pas de tracteurs ni d’outils connectés !
Et pour achever de tordre le cou au cliché du petit berger bio qui ne produit que trois crottins de chèvre, on notera qu’il existe aussi de « grandes cultures » bio : blé, maïs, soja… Les nappes phréatiques sous les grandes plaines céréalières s’en réjouissent ! On rappellera aussi que le bio se déploie en mode industriel. Car il faut bien des usines pour transformer le blé (bio) en céréales de petit-déjeuner, ou en farines puis en pâtes bio ! Cette activité dite de « transformation » est elle aussi régie par un cahier des charges spécifique, qui interdit 283 des 340 additifs autorisés dans l’industrie agro-alimentaire.
Développer ces produits transformés est une des voies d’avenir du bio. C’est en collant aux habitudes des Français que la production de bio pourra se développer massivement, par des formats pratiques qui diversifient les débouchés aux producteurs. Cette hausse de la production devrait aussi permettre, par des effets d’échelle, de réduire le prix des produits bio. Un vrai cercle vertueux… qui crée aussi de l’emploi industriel au niveau local. Usines, minoteries, ateliers de découpe, laiteries : l’avenir du bio est là, autant que dans les champs ! Les agriculteurs et transformateurs bio travaillent sous contrainte du fait des exigences du cahier des charges mais sont avant tout des entrepreneurs et doivent conjuguer créativité et rentabilité.