“On ne nourrira pas le monde avec du bio”

Le bio serait incapable de nourrir la planète. Plus qu’une production agricole, le bio se rapprocherait de la lubie sympathique, une version un peu améliorée du jardinage, en somme. Et comme il faut nourrir la planète, il faut accepter les inconvénients de l’agriculture avec chimie synthétique et herbicides, et laisser le bio au rang des loisirs de riches.

C’est aussi une question de répartition. Et de gaspillage : selon l’ONU, 1 milliard de repas sont gaspillés chaque jour. Cette déperdition colossale se passe à 60% au domicile des ménages, 28% dans les restaurants et 12% dans les magasins…

Cette idée reçue et portée par les détracteurs du bio sous-tend que les rendements du bio sont inférieurs et que le bio ne peut pas être généralisé. C’est de moins en moins vrai. L’utilisation massive d’engrais azotés en agriculture standard a appauvri les sols et les rendements n’y augmentent plus. Selon la filière et la région, le rendement en bio peut être inférieur à l’agriculture standard. De l’ordre de 15 à 25% de rendements en moins, par exemple, pour grandes les cultures. Peut-on dire pour autant que l’on ne pourrait pas nourrir tout le monde ? Pas avant d’avoir établi comment on veut nourrir humains, animaux d’élevage et voitures.

Actuellement, les deux tiers des cultures de céréales en Europe sont destinés à la nourriture animale. Si comme le recommande la FAO nous mangions des légumineuses 2 fois par semaine, alors des terres agricoles destinées à produire des céréales pour de l’élevage, ou du colza et des betteraves pour du biocarburant pourraient être employées pour des légumineuses, protéines végétales pour l’alimentation, notamment humaine et surtout très peu gourmandes en phytosanitaires, et nécessaires en bio pour réenrichir le sol faute d’engrais synthétiques.

Moyennant une diversification des sources de protéines consommées par l’homme et une réduction du gaspillage, selon l’étude collective publiée dans Nature en 2017, il est possible de nourrir 9 milliards d’êtres humains en 2050 avec 100 % d’agriculture biologique. Ce résultat est sur le point d’être conforté à l’échelle française par une étude récente de l’INRAE / Métabio.

Toutefois, cette perspective est encore loin, la France en 2025 est à 10% de ses terres en bio.