Olivier Chaloche, le bio par amour

Cogérant du groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) L’Authentique Terrien, près de Montargis, Olivier Chaloche a repris la ferme de son père il y a plus de trente ans et l’a immédiatement convertie au bio. Devenu pionnier du bio par amour, il a fait croître et diversifié son domaine qu’il s’apprête à transmettre à son tour à son fils.

Olivier Chaloche a 20 ans en 1991 quand il explique à celle qui va devenir sa femme que l’heure est venue – plus tôt qu’il n’aurait voulu – de reprendre la ferme familiale. Elle lui réplique : « D’accord pour te suivre sur la ferme, mais à condition qu’elle soit bio. » À l’époque, sur les 5 000 producteurs du Loiret, moins de dix pratiquent l’agriculture biologique. Pourtant, Olivier Chaloche va dire oui, par amour bien sûr, mais aussi parce qu’il se souvient de sa formation. « Après le lycée agricole, je suis allé en BTS commercial. On nous expliquait qu’on allait vendre les produits les plus toxiques, les plus dangereux, qu’il fallait être très prudent en les manipulant… Me sont revenus en mémoire un agriculteur malade, un autre en costume de cosmonaute pour épandre. Alors, j’ai repensé à l’accident de Sandoz qui avait pollué le Rhin sur des centaines de kilomètres, tuant des millions de poissons, à celui de Bhopal en Inde… Je ne voulais pas introduire encore plus de produits chimiques et de dangers dans le monde. Au contraire, j’étais très attiré par le challenge de “faire sans”. »

Pari gagnant

Un challenge qui s’annonce ardu, mais que le couple relève à force de persévérance. Les premières récoltes se traduisent par un effondrement de la production, avec seulement 15 quintaux de blé à l’hectare quand le père d’Olivier Chaloche en récoltaient 50 à 60 quintaux. Mais le jeune agriculteur ne se décourage pas et continue à travailler. En 1997, la ferme est 100 % bio. À mesure que les espèces se diversifient et que la nature reprend ses droits, les rendements décollent. « Forcément, quand la plante n’a pas sa dose d’azote, son pesticide de synthèse, elle est un peu désorientée. Mais au bout de quelques années, la terre s’améliore grâce aux outils du bio, aux fertilisants naturels, aux rotations des cultures », explique le paysan. Aujourd’hui, ses rendements égalent et parfois excèdent ceux d’avant la conversion. La ferme s’est par ailleurs agrandie. Elle est passée de 80 à 240 hectares, avec une quinzaine de productions végétales en moyenne chaque année – luzerne, blé, orge de bras serie, pois cassés, lentilles, soja, féverole, semences d’oignon… Une diversité très grande qu’il tient de son père. « Il travaillait en conventionnel, certes, dit le fils, mais il était très sensible à la biodiversité. Il s’était opposé à l’arrachage des haies pendant le remembrement. Il m’avait légué quelques centaines de mètres de haies, j’en ai planté quelques kilomètres en plus. Et avec cela, on a des terres plus variées, plus diverses, plus riches aussi, sans parler des beaux paysages que cela crée. Le paysan façonne le paysage, et c’est pour cela que je me qualifie ainsi. »

Le bio, voie d’avenir

Contrairement aux agriculteurs conventionnels, les paysans bio ne dis paraissent pas, ils augmentent. La ferme est passée de deux à six travailleurs, ce qui fait dire à Olivier Chaloche : « En bio, on remplace la chimie par de l’humain ! » Il y a une volonté engagée de créer des emplois durables qui souvent suivent une période de stage ou d’apprentissage. En quête de sens, le propre beau-frère d’Olivier Chaloche, après une longue carrière de cadre dans l’agroalimentaire, a rejoint l’exploitation pour en assurer la maintenance. L’agriculteur a également la joie d’accueillir depuis cinq ans son fils Florentin. « Il apprend vite, me libère de certaines tâches, ce qui me permet de militer à côté. » De fait, Olivier Chaloche est au bureau national de la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB) depuis 2022, et co-président depuis 2025. « Je sais qu’il va mettre sa touche à la ferme, en laissant des espaces non cultivés [7 % de la surface totale] pour encore plus de biodiversité. » Une attitude très positive, à rebours des discours déclinistes sur le bio. Celui qui vit sa troisième crise du bio sait que les consommateurs et les acteurs du bio ne vont pas disparaître, même si la conjoncture est évidemment plus délicate pour les derniers arrivés qui n’ont pas encore eu le temps de se stabiliser financièrement. Passé ces nouveaux soubresauts, il est persuadé que l’avenir sera beaucoup, beaucoup plus bio. « Quand je vois l’acharnement contre le bio, je me dis que c’est tout de même une curieuse idéologie de critiquer ceux qui respectent la nature… Je crois que le bio crispe beaucoup parce que nous sommes dans la transition, dans autre chose, dans le changement. Trop de gens défendent de manière très conservatrice le système tel qu’il tourne aujourd’hui, mais c’est une impasse. Nous prouvons que nous avons des niveaux de productivité intéressants, avec des résultats évidemment supérieurs d’un point de vue sanitaire et écologique. Et nous sommes de moins en moins seuls : dans le Loiret, nous n’étions pas 10 dans les années 1990, nous sommes 240 aujourd’hui. Tôt ou tard, tout le monde viendra au bio. »