Alan Testard, le bio comme un sport collectif

S’installer seul comme maraîcher bio, sur des terres encore jamais exploitées : le Breton Alan Testard n’a pas choisi la voie la plus facile. Mais il réussit, en misant sur l’ultra-local… et le collectif.

Un convaincu qui a plaidé la beauté du métier agricole en bio lors de son audition à l’Assemblée Nationale pour la Loi d’Orientation agricole mardi dernier.

C’est l’histoire d’un fils d’artisan qui s’installe comme maraîcher… et qui aujourd’hui aide les nouveaux agriculteurs à s’installer, ou les anciens à transmettre leur exploitation. Le fil rouge de son parcours ? Un fil vert, plutôt : c’est la bio, pour les services environnementaux qu’elle rend mais aussi pour les défis techniques qu’elle impose… Avec un rapport toujours intime à la nature, et au territoire.

Alan Testard n’est pas né dans un champ, mais il est né dans le bio. « Mon père était boulanger bio, et cultivait un grand jardin à la campagne », raconte-t-il. Attiré par le bio « pour son aspect naturaliste », il commence par travailler dans des associations de protection de la nature (Bretagne Vivante, Eaux et forêts de Bretagne…), mais militantisme et travail de bureau l’éloignent de ce monde agricole qui l’avait toujours attiré. Il projette alors de s’installer comme maraîcher, « pour concilier économie et écologie ». Mais trouver un terrain convenable se révèle plus compliqué que prévu : il lui faudra quatre ans et un coup de hasard pour finalement trouver, en 2007, une parcelle nue d’un peu plus de 3 hectares, à Acigné (Ille-et-Vilaine).

« Il y avait tout à faire, même faire venir l’électricité ! » se souvient Alan Testard. Il fait même construire sa maison sur la parcelle. « Avec le recul, c’était une erreur que de m’installer seul », ajoute-t-il en regrettant de n’avoir pas pu prendre de congé parental. Dès le premier été, il embauchera quelqu’un pour travailler avec lui. Mettant toute sa passion dans sa ferme, il rationalise les espaces, prévoit les rotations, cherche des débouchés… et les trouve. « Tout a commencé à Acigné même, avec la restauration collective et un marché. Puis une AMAP est venue… c’est ma voisine qui faisait du blé panifiable et, en me voyant faire son pain, elle s’est dit qu’elle pourrait transformer son blé et devenir éleveuse/boulangère. »

Aujourd’hui, avec deux personnes à plein temps et un saisonnier, la ferme produit une quarantaine de fruits et légumes différents, dont près de 80 % sont commercialisés « en vente très directe », dans un rayon de 5 kilomètres. Et ça marche. 

Après 15 ans, Alan Testard s’efforce de concilier son activité avec sa vie personnelle et avec ses valeurs, et poursuit son engagement au sein du groupement d’agriculteurs bio (GAB) d’Ille-et-Vilaine, Agrobio35. « L’agriculture bio est si éloignée de ce que j’ai pu apprendre pendant mes études ! dit-il. Je me souviens, à l’époque on ne parlait que de production, de volumes, de mécanisation, d’optimisation pour la PAC…

L’agriculture biologique est d’abord une question de mentalité, explique-t-il. Il faut abandonner des réflexes acquis, arrêter de regarder les indicateurs de production, repenser le temps de travail en donnant plus de place à l’observation, adopter de nouvelles méthodes : prairies, rotations, assolement… « La réussite passe aussi par de grosses compétences techniques. Il ne s’agit pas de calquer un système mais d’y aller petit à petit, d’observer, de tester, de maîtriser tous les aspects en considérant la nature comme une collaboratrice. » Cette technicité « peut faire peur aux agriculteurs chimiques habitués à la boite à outils chimique synthétique, riche de centaines de molécules», mais au final, elle permet d’obtenir de meilleurs résultats, avec une satisfaction bien plus grande. Travailler moins pour gagner plus, en somme – en consacrant  la moitié du temps aux cultures, et l’autre à la distribution.

Et tout cela, sans jamais oublier le collectif ! « Le bio, c’est une culture de partage, où on accueille tout le monde », insiste Alan Testard. Le partage commence avec l’exploitation bovine voisine dont il utilise le fumier pour fertiliser ses sols.

Une sorte d’agriculture circulaire, quoi.

Mais au-delà, c’est tout un réseau qui joue un rôle essentiel pour partager les techniques et les expériences. « S’installer en bio est beaucoup plus facile aujourd’hui qu’il y a quinze ans ! se réjouit-il. Maintenant, nous pouvons échanger des plannings de culture complets, nous savons quelle eau utiliser… » Il salue ces paysannes et ces paysans qui militent et partagent bénévolement, insiste sur la force du groupement qui a contribué à structurer des filières qui aujourd’hui fonctionnent bien, et dont les fermes sont ouvertes au public pour la moitié d’entre elle.

Le réseau bio, et le métier sont attractifs pour de nouvelles générations, et Alan est a pied d’œuvre pour que l’atout bio ait toute sa place dans la transition agricole.

Retrouvez son audition parlementaire sur le sujet ici Commission des affaires économiques : Audition de l’Agence BIO et de la Fédération nationale d’agriculture biologique – Mardi 2 avril 2024 – Vidéos de l’Assemblée nationale (assemblee-nationale.fr)