François Besancenot, la pédagogie par le goût

Attention, cet homme va vous faire aimer les légumes comme jamais ! Géographe et cuisinier, François Besancenot développe dans la région lyonnaise une vraie pédagogie du bien-manger, en partant des produits eux-mêmes pour sensibiliser aux bienfaits de l’agriculture biologique. Vert, et emballant ! 

Combien de vies a eu François Besancenot ? Étudiant puis enseignant en géographie, ingénieur territorial, cuisinier, créateur d’outils pédagogiques, animateur de conférences-dégustation, il est également devenu auteur en 2023, avec un ouvrage de référence, complet et sensible : Légumes des terroirs : histoire, vertus et mode d’emploi (ed. Le Sureau), co-écrit avec Daniel Vuillon, maraîcher bio et fondateur du réseau AMAP. Et comme formateur de futurs chefs, il plaide pour une nouvelle façon d’appréhender les produits, pour qu’ils donnent le meilleur – sur le plan du goût, de la santé, et du respect de l’environnement. En bio, donc.  

De la théorie à l'approche par le goût

Mais n’allons pas trop vite, et remontons donc avec lui le « fil vert » d’une vie bien remplie. Né d’un père agriculteur et d’une mère pharmacienne, François Besancenot se lance d’abord dans des études de géographie, « pour comprendre comment se fabrique un territoire ». Il soutient une thèse sur le développement durable appliqué aux territoires en reconversion industrielle, enseigne pendant trois ans. En 2008, premier virage : il quitte l’Université pour rejoindre l’association e-graine, dans laquelle il développe des contenus pédagogiques d’éducation au développement durable, avant de mettre tous ces savoirs en pratique, en travaillant plusieurs années pour le Parc Naturel de la Chartreuse.  

Toutes ces expériences forgent en lui une conviction : pour sensibiliser à l’environnement et parler au plus grand nombre, il faut partir non pas de la théorie, mais de l’expérience concrète, sensible : « partir de la base, et de ce qui fait plaisir : manger, cuisiner, partager un bon plat avec d’autres… Un peu comme le vin, avoir une expérience géo-sensorielle mais aussi reliée aux autres… Alors seulement, vous pouvez parler de la façon dont les légumes sont produits, l’importance des vitamines, le danger des intrants, etc. Et donc de notre environnement et de notre santé. » 

Et comme François Besancenot ne fait pas les choses à moitié, il amorce le deuxième grand virage de son parcours : en 2016, à quarante ans, il sinscrit… à un CAP Cuisine. « Pas une reconversion, précise-t-il : mais un nouvel apprentissage en vue de mettre en place une nouvelle pédagogie ». Car il a un plan en tête… 

La passion du bien-manger

Plusieurs expériences s’ensuivront : restaurants, ferme-auberge, traiteur… Partout où il passe, il développe l’approvisionnement en bio. « 1 % de bio seulement dans les restaurants, c’est fou !, dit-il. Mais quand on développe l’argument de santé, et de vie du territoire, on arrive à faire bouger les choses… » 

C’est aussi dans cet esprit qu’il monte l’association Santé-Goût-Terroir, avec un ami vigneron bio. « L’idée avait germé avant même que je m’inscrive en CAP, raconte-t-il. Je me suis dit : pourquoi ne pourrions-nous pas parler des légumes comme on le fait d’un vin, avec son terroir, son mode de production, la subtilité du goût ? » 

L’équipe de l’association parle aux petits et aux grands dans les écoles du Grand-Lyon (de la crèche à l’université), sur les marchés, dans les centres sociaux : partout, ils expliquent les bienfaits très réels des légumes cultivés en bio, ils racontent leur histoire, leur géographie, mettent les sens en éveil, redonnent le goût de l’artichaut…  

Bio : la conviction par l’exemple

Les confinements de 2020-2021 mettent un coup d’arrêt provisoire à ces rencontres. François, lui, poursuit son travail de restaurateur dans une crèche. Il y travaille avec un approvisionneur bio (Biorégion), et s’applique à changer les pratiques. Moins de plats préparés, on se met à montrer, sentir, raconter l’histoire des légumes, les travailler, jouer sur les couleurs pour donner l’appétit aux enfants…  Le résultat ? Un travail qui prend du sens, une diversité de goûts accrue, l’enthousiasme des enfants… et un budget parfaitement tenu (1,41€ de coût-matière par repas) grâce à une réduction drastique du gaspillage. « En brossant les légumes au lieu de les éplucher, on gagne près de 15 % en volume, sans rien jeter», explique-t-il. Et parce que les légumes bio, plus rustiques, sont « moins dopés aux intrants et à un apport souvent excessif en eau », ils se conservent mieux, et permettent de réaliser des économies d’échelle en achetant en plus grandes quantité. Un cas d’école, si on ose dire ! 

Former celles et ceux qui feront bouger les lignes

Depuis 2022, François Besancenot a ajouté une nouvelle corde à son arc : il intervient comme formateur pour des élèves de lycée hôtelier et des étudiants en Licence 3 professionnelle liée aux métiers du tourisme et à la valorisation des produits de terroir à l’Université. Très loin du CAP qu’il a pu suivre. « En CAP, on nous appris le comment, mais jamais le  pourquoi. Les étudiants à qui je m’adresse veulent en savoir plus sur les produits eux-mêmes, leur raison d’être, leur origine, leurs bienfaits, leur « destinée », ils se demandent comment en parler à leurs futurs clients… »  

Avec eux, comme lors des conférences-dégustations qu’il mène parfois avec avec des producteurs locaux, il développe son discours sur les 4C essentiels au respect du produit : connaître, choisir, conserver, cuisiner. « Pour que de bout en bout, le légume donne le meilleur au niveau goût et santé ! » 

« Légumes des terroirs » : le livre, et la suite

Ces 4C sont à la base du livre Légumes des terroirs : histoire, vertus et mode d’emploi. Un trésor de savoirs sur les légumes de nos jardins et leurs différentes variétés, leurs apports nutritionnels, leur goût… et les différentes façons de les cuisiner. Un ouvrage de référence « tout-en-un », avec des conseils extrêmement pratiques dont nous devrions tous prendre de la graine : ne pas conserver trop longtemps les poireaux dans son réfrigérateur, par exemple (ils y perdent vite leurs vitamines), préférer les cuissons à la vapeur, ou à l’étouffée pour tous les légumes pour qu’ils conservent toutes leurs qualités organoleptiques… ou encore garder le jus de cuisson, qui aura conservé arôme et nutriments.  

Le livre est sorti au printemps 2023. Depuis lors, François Besancenot est reparti en campagne pour partager le plaisir des légumes. Il intervient sur les marchés, poursuit ses conférences-dégustations et propose aussi des ateliers-cuisine. On vous souhaite de bientôt croiser sa route !  


Bon appétit !