Loïc Madeline, produire comme on mange, manger comme on produit

Loïc Madeline, c’est un physique de rocker et une activité intense de représentation politique du bio. Ingénieur qui s’éloigne de la ferme familiale pour mieux revenir à la terre à 35 ans, il passera l’exploitation en bio. 7 ans plus tard, interpellé par le fonctionnement de la PAC, il s’engagera pour porter la parole bio.

Il était une ferme de 84 hectares, dans le bocage normand. Une ferme classique de production laitière, dans la tradition française de la deuxième moitié du XXe siècle, entre concentration et spécialisation. Cette ferme, le fils de la famille ne se voyait pas reprendre en l’état. Il se passionnait surtout pour ses études… et pour le jardin de la maison familiale, où poussaient légumes et pommes de terre.

« Mon père produisait 400 tonnes de lait sur 80 hectares dans un système de production très simplifié, raconte Loïc Madeline. Mais dans son jardin, il produisait aussi chaque de quoi nourrir la famille, sans pesticides ni intrants, avec une incroyable productivité ! »

Cultivant son propre jardin intellectuel, le jeune homme se lance d’abord dans des études d’ingénieur agronome. Il travaille dans la R&D – puis, en 2011, vient l’opportunité de reprendre la ferme… en y changeant tout. Le credo de Loïc Madeline, c’est le bio et la polyculture, pour associer les cultures vivrières à l’élevage. « Il faut produire comme on mange…et manger comme on produit le plus possible », dit-il.

Une ferme comme un grand jardin

Ses parents ayant bénéficié d’aides européennes à la réduction de production laitière, Loïc choisit de repartir de zéro. Il achète quelques génisses et quelques vaches allaitantes, et réorganise en bio toute la ferme – en s’ingéniant à trouver les associations les plus productives, et à inventer des solutions nouvelles.

Une grande décennie plus tard, le résultat est là. L’éleveur possède « un petit troupeau de vaches charolaises » nourries à l’herbe. Certaines sont élevées pour leur lait, d’autre pour la viande. Elles sont aussi élevées pour devenir des mères qui feront des veaux qui seront vendus adultes pour la boucherie… elles produisent du lait pour allaiter les veaux jusqu’à leur sevrage naturel vers 8-9mois. Il n’y a donc pas de production laitière à destination humaine dans ce type d’élevage. Elles participent aussi activement à la vie de l’exploitation, en « partenaires de la production végétale ». Car Loïc Madeline est resté fidèle à sa vision initiale, lui qui prône qu’une ferme « doit produire un maximum de matières premières directement comestibles » et voulait que la sienne « ressemble à un grand jardin ». l’alimentation animale est constituée de 100% d’herbe. L’ensemble compte aujourd’hui près de  30 hectares de cultures (blé, orge, avoine, pois, pommes de terre..).  destinées à l’alimentation humaine : l’avoine se retrouve à la table du petit-déjeuner, l’orge sert à fabriquer de la bière ; depuis trois ans, les pommes de terre viennent compléter l’ensemble et se retrouve au menu de Benoit, le chef du bistrot voisin Le Caillou.

Autonomie et maîtrise des cycles

Cette diversification, comme le développement de la nourriture animale, se fait dans une optique claire : celle de l’autonomie alimentaire. « La période Covid nous a ouvert les yeux sur le fait que les fermes spécialisées étaient extrêmement dépendantes de chaînes d’approvisionnement non maitrisables », explique Loïc Madeline, qui travaille à mi-temps pour l’Institut de l’élevage jusqu’en 2018. Il y travaille sur les questions d’équilibre sol/troupeau, de diversité de l’assolement, de mélange céréales/protéagineux, de précocité de mise à l’herbe, et d’échanges entre exploitations. Autant de préconisations que Loïc Madeline met en pratique sur son exploitation. « J’aime l’agriculture circulaire : maîtriser des cycles complets entre les animaux et les végétaux ».

Avec toujours le souci de la transmissibilité.

Celle des savoirs, avec son engagement récent à la FNAB (Fédération Nationale d’Agriculture Biologique) où il défend une autre PAC.

Et celle de la ferme, plus tard. « Je suis certain qu’une ferme diversifiée trouve plus facilement repreneur », assure-t-il. Mais d’ici là, de nombreuses saisons auront passé dans son grand jardin normand.