Vanessa Kryceve, évidemment bio

Vanessa Krycève, quand l’humanisme passe par le beau et le bio. Fondatrice de l’association Le RECHO – pour REfuge, CHaleur et Optimisme – et de l’entreprise d’insertion traiteur et restaurant La Table du RECHO, Vanessa Krycève entreprend en suivant une seule boussole : la décence commune. Et à cette aune, le bio s’impose dans les assiettes.

Si Vanessa Krycève était un signe de ponctuation, elle serait un trait d’union. Entre les cultures, les classes sociales, les milieux privés, associatif, public… quand tout divise, elle relie.

Elle même vit plusieurs vies en une seule. Passionnée de théâtre et de cuisine depuis l’enfance, elle ne choisit pas et mène deux carrières : théâtre au conservatoire, et premières incursions en pâtisseries aux côtés de Pierre Hermé et chez Ladurée. La littéraire se forme au journalisme culinaire avec Julie Andrieu et rencontre Guy Savoy qui parachève sa mue en consultante culinaire. « J’ai mené les deux de front, parfois seulement sur scène, parfois seulement en cuisine avec beaucoup de déclinaisons, cheffe à domicile, team building culinaire… ». Sa cuisine, elle l’affine en écoutant l’engagement des producteurs au marché, de la façon dont ils traitent la terre, le sol, et en voulant soutenir ceux qui lui racontent la production biologique et ses contraintes. « J’ai toujours eu une cuisine très engagée par ses liens avec les producteurs. Marco (Marc Mascetti) le maraîcher bio de Marcoussis m’a confortée dans l’évidence de cuisiner local ET bio ».

La grande Histoire rattrape Vanessa et lui renvoie sa propre histoire familiale violemment. En 2016, avec la guerre en Syrie, l’Europe se ferme face à l’afflux de réfugiés. L’inhumanité de cet accueil lui dicte alors sa mission : la cuisine comme trait d’union avec les déracinés, la cuisine comme accueil. Alors qu’elle cherche le lieu idoine, elle se retrouve sur le camp de Grande Synthe, dans les Hauts de France : « Mon père est arrivé en France à 3 ans d’un camp à Francfort, en 1945. J’ai eu l’impression que l’histoire se répétait ». Loin d’être paralysée par ce poids de l’histoire, Vanessa, au contraire, s’installe avec deux amies sur le camp pour restaurer – dans tous les sens – l’humain.
Grâce à 50 000 euros collectés, elles achètent un food truck et cuisinent 500 repas par jour et les habitants se mobilisent à leurs côtés. Après cette initiative spontanée, Vanesse retourne se former pour acquérir les bases de l’entrepreneuriat pendant un an chez Anthropia, à l’ESSEC et monte en 2018 Le Grand RECHO à Arras avec un restaurant éphémère pour faire cuisiner ensemble accueillants et accueillis en compagnie de nombreuses grandes toques qui se joignent à la cause : Michel Troisgros, Olivier Roellinger, Manon Fleury, Alessandra Montagne… pour fournir 300 repas par jour et envoyer le message « les accueillis vous nourrissent ».

Le projet se sédentarise grâce à l’association Aurore qui leur propose d’investir une ancienne caserne en plein cœur du 16e arrondissement de Paris. « Ce lieu, c’est ce dont j’avais besoin pour faire se rencontrer les publics et forcer la déconstruction des stéréotypes. Avec Alix Gerbet, mon associée issue de la gastronomie, nous avons voulu ancrer ce restaurant dans le beau ». Au-delà de la dimension sociale très forte du projet, Le RECHO propose une cuisine très bio: « J’ai voulu qu’on soit labellisé bio et Ecotable et j’ai embarqué toute l’équipe là-dedans. Nous avons entre 70 et 80% de produits bio dans nos assiettes et c’est une vraie fierté. Me dire que je ne pollue pas les nappes phréatiques, que je maximise mon impact avec peu de pétrole et de gaz russe, c’est beau.

Au restaurant, quand je demande un verre de vin bio et qu’on me répond qu’il n’y en a pas, je demande un verre d’eau. Quand on me répond : ce n’est pas bio, mais c’est local, je réponds que du local avec pesticides de synthèse, je n’en veux pas. J’applique donc cela dans mon établissement ».

Le RECHO et la Table du RECHO, ce sont désormais une association et une entreprise avec une vingtaine de salariés, dont 8 en insertion pour assurer un service de traiteur et une table avec 30 couverts l’hiver et 50 l’été au sein d’un centre culturel, le BAL, au-dessus de la Place de Clichy à Paris, à l’entrée d’un jardin. Encore et toujours, relier, dans agriculture, le « culture » n’est pas un artifice.