Olivier Nasles, le cerbère du label bio.

Président du Comité National de l’Agriculture Biologique, sorte de parlement du Bio à l’INAO Institut National de l’Origine et de la Qualité, Olivier Nasles a un rôle à part dans l’écosystème bio. Un pied dans les institutions, un pied dans les vignes et les oliviers, il est le cerbère du label bio.

La réputation d’Olivier Nasles excède très largement son exploitation d’Eguilles, dans les Bouches du Rhône. Des bureaux à Aix en Provence et à Montpellier pour son activité d’œnologue conseil, il accompagne avec ses collaborateurs près de 300 caves coopératives et particulières dans le sud de la France. Aussi, en 2010, alors que sa mère est toujours à la tête de l’exploitation familiale Olivier Nasles ne cherche pas à la convaincre d’aller vers le bio pour se faire connaître, pas plus pour répondre à un vertige métaphysique, mais par certitude économique : « évidemment que le bio est meilleur pour la santé, celle de la planète comme celle des être humains, il n’y a pas de débat là-dessus. Mais mon engagement dans le bio ne part pas de là. Il y a des discours philosophiques sur l’harmonie existant à travailler en bio, mais au final si on se fait plaisir et que notre activité économique n’est pas rentable, c’est la pire des choses. Nous devons créer de la valeur ajoutée en nous convertissant au bio.». Lui-même donc entame sa conversion et, en 2014, les premières récoltes de ses 23 hectares de vigne et 20 hectares d’oliviers sont commercialisées, le succès commercial est au rendez-vous.

Si l’homme est débonnaire, il est capable d’emportements méditerranéens quand on évoque les stéréotypes qui circulent dans le débat public à propos du bio. À l’accusation de « marché de niche élitiste », il tempête : « mais c’est une hérésie ! Factuellement, les mêmes produits coûtent 20 à 30% plus chers à produire en bio qu’en conventionnel, certes, mais ça n’est pas l’essence de la consommation bio. Manger bio, c’est manger différemment, cuisiner plus et gaspiller moins. Quand on le fait le bilan des différences de coûts globaux, ils sont marginaux. En outre, et pardon si ça n’est pas politiquement correct de le dire, mais les différences de coûts dont on parle sont anecdotiques ramenés à l’échelle des dépenses de la consommation globale d’un ménage. Peut-être y a-t-il d’autres arbitrages à faire que ceux faits au détriment de l’alimentation ».

Osons remettre une pièce dans la machine pour le questionner sur les faire-parts de décès du bio qui ont fleuri dans la presse l’an dernier, instillant l’idée que tout cela n’était « qu’une bulle » : « Mais est-ce qu’on peut prendre un peu de recul, bon sang ! Regardons d’où nous venons, il y a à peine quinze ans le bio ne pesait rien. 2023, ce n’est pas une crise structurelle, c’est une crise de croissance. En 2018, quand on manquait de lait et d’œufs Bio, tout le monde s’est mis à en produire et l’offre a dépassé la demande. Aujourd’hui, les ventes se tassent, mais elles restent infiniment supérieures à celle de 2018 ! La même chose va survenir dans le vin, où près d’un million d’hectolitres supplémentaires de vins Bio vont arriver sur le marché d’ici deux ans, soit une augmentation de la production de plus de 20%. Il faudra un certain temps pour les absorber, cela ne signifie pas qu’il y aura « une crise ». Mais alors, Olivier, si c’est une crise de croissance, ça va repartir ?  « Évidemment ! Mais à un autre rythme : nous n’aurons plus de croissance à deux chiffres mais plutôt 5 à 6% par an ce qui est déjà énorme en volume. De toutes façons, nous n’avons pas le choix : les jeunes agriculteurs veulent massivement s’installer en bio, nous devons stimuler la demande et mettre les consommateurs face à leurs incohérences. Personne ne veut plus de pesticides dans son assiette, personne ! À nous d’appuyer là-dessus et leur faire comprendre qu’ils doivent payer le juste prix ».

On l’entend, derrière un paravent économique, Olivier défend le label bio, une manière de produire.

Aux margoulins qui s’immiscent dans les ambiguïtés pour défendre des vins natures plutôt que bio, il répond sèchement : « Cela n’a rien à voir. La Certification en Agriculture Biologique est le résultat de l’application d’un Règlement Européen valable dans les 27 pays de l’Union dont le respect est contrôlé par des organismes certificateurs indépendants, une véritable garantie pour le consommateur. Cela veut dire zéro herbicide, pas de pesticide ni d’engrais synthétique, et un nombre réduit d’additifs dans la bouteille.

Un vin nature, c’est un vin auquel on n’a rien ajouté au moment de la vinification mais seul le label bio garantit qu’il n’y a pas eu de chimie synthétique dans le vignoble. Celui qui est en bio et veut faire du vin nature en plus, très bien, mais celui qui fait du nature et refuse de se convertir en bio car c’est trop de boulot et trop de contrôle, je lui dis que s’il sait comment il fait son vin il n’a rien à craindre du contrôle.  

Quand un producteur refuse de se soumettre aux contrôles, c’est qu’il y a  « hippopotame sous nénuphar ». La crédibilité du bio repose sur ces contrôles indépendants qui attribuent la certification, sous la supervision de l’INAO désignée autorité compétente ».

Président du Comité National d’Agriculture Biologique, qui permet à l’INAO de d’expliciter la lecture du Règlement Européen et d’harmoniser les contrôles pour garantir une « unicité » du label bio, Olivier est un peu le président du parlement bio. L’occasion de rappeler que la loi, qui donne au label bio le statut de « diplôme d’état » d’agriculture écologique est au cœur de la promesse du bio et sa première richesse.