Loïc Guines, ferme bio et tête haute

Éleveur laitier en Bretagne, Loïc Guines n’est pas venu au bio par militantisme. C’est une démarche d’amélioration de la productivité qui l’a peu à peu amené au label… sans même l’avoir cherché. Avec un credo : ne jamais oublier de lever la tête pour regarder ce qui se passe ailleurs.

Quand on croise Loïc Guines, on est d’abord frappé par sa stature : grand et droit, la tête solidement ancrée sur les épaules.

Fils d’agriculteurs,  il s’est installé en 1989 sur une ferme à 3 kilomètres de celle de ses parents, à Saint-Marc-sur-Couesnon (Ille-et-Vilaine). Il a constitué avec eux un GAEC, que son frère a rejoint en 1997 en reprenant l’exploitation familiale. Avec tout le respect dû aux anciens, et l’envie de pratiquer l’agriculture autrement. 

« Nos parents se sont installés dans les années 60, précise-t-il. C’était après la guerre, le mot d’ordre était de produire, et la société entière (pas seulement l’agriculture!) vivait sur l’idée que la chimie de synthèse allait régler tous les problèmes. » Si vous cherchez un conflit de générations, passez votre chemin ! 

Les frères Guines, pourtant, vont s’atteler dès leur première année d’association à sortir du modèle intensif. Avec pragmatisme. « Tout est parti d’une volonté de baisser nos coûts de production, raconte-t-il. Avec la volonté d’adapter notre production à la qualité de nos terres, et une organisation du travail différente pour nous simplifier la vie »

Lui et son frère lèvent la tête pour observer ce qui se pratique ailleurs ; ils participent à des groupes d’échange animés par la Chambre d’Agriculture, et les premiers changements surviennent. Ce sont d’abord des cultures de blé et de maïs qu’ils décident d’arrêter sur les sols les plus secs, pour les transformer en prairies. Puis une réflexion sur le séquençage du travail, avec des vêlages groupés, un mode d’élevage simplifié pour le troupeau de renouvellement…

Après vingt ans de changements progressifs, tournant chaque année un peu plus le dos à l’élevage intensif, les deux frères se rendent compte qu’ils sont désormais proches du cahier des charges de l’agriculture biologique. Et ils décident de sauter le pas. « Mon frère y a pensé avant moi », admet l’aîné, modeste, qui poursuit, sourire en coin : « En général, une conversion en bio dure trois ans ; la nôtre aura pris 25 ans ! »

Les résultats sont éloquents : des animaux moins fragiles qui demandent moins de surveillance, des astreintes moins lourdes, et une plus grande efficacité économique : un véritable cercle vertueux. La ferme compte aujourd’hui une centaine de vaches, dont le lait se retrouve dans les produits de 300 laitiers bio. Et si Loïc Guines est devenu président de la Chambre d’agriculture d’Ile-et-Vilaine référent bio pour le réseau des chambres d’agriculture et président de l’Agence Bio, il voit toujours au-delà des labels et des étiquettes.

« Tout ce que nous avons réalisé pourrait aussi bien se faire en agriculture conventionnelle », insiste-t-il. Ou s’adapter à des fermes bien plus grandes : « Je peux vous citer des exploitations dix fois plus grandes en Nouvelle Zélande qui appliquent les mêmes principes ! » Lever la tête, toujours, pour faire bouger les choses : Loïc Guines ne s’en vante pas, il agit. Et n’oublie pas de faire profiter les autres de ce qu’il a pu apprendre en chemin. « J’aimerais que les vocations agricoles se multiplient », dit-il, avec une idée en tête : « Pourquoi ne pas lancer de grandes campagnes de communication, comme d’autres secteurs économiques ? La profession pourrait s’organiser en ce sens, sans forcément attendre le soutien de l’État. On devrait pouvoir tous se mettre ensemble pour faire valoir le sens de notre métier : produire sur un territoire, nourrir les gens… »

En attendant, il met ses convictions en pratique sur sa propre exploitation, anticipe déjà les défis de demain, avec le réchauffement climatiques, et prépare la suite. « Avec mon frère, nous adaptons toujours notre système pour valoriser la ferme, et faire vivre le label bio. Pour qu’un jour quelqu’un la reprenne… et puisse en vivre ». Transmettre, toujours.