Alessandra Fottorino, à la recherche du terroir perdu.

Sommelière, directrice de l’école vins et spiritueux du Vingt-Deux, à Montreuil, et autrice  de In vino Femina1, avec Céline Pernot-Burlet (Hachette Pratique 2022), Alessandra Fottorino éveille les palais avec allégresse. Elle consacre son palais à la dégustation de vins bio, voire biodynamiques pour des raisons de goût, avant tout. Celui du terroir émancipé de la chimie synthétique, celle-là même dont on veut actuellement sortir à grands coups de plan Ecophyto. 

A force de travail, de découvertes de vigneronnes et vignerons travaillant sur des vins d’auteurs, Alessandra s’est rendue incontournable dans la galaxie de la dégustation de vins « normaux ». « Au 22, notre école, tous les vins dégustés ici sont au minimum bio, mais aussi biodynamiques et nature. Mes élèves me demandent en arrivant « pourquoi on ne boit pas des vins « normaux » ? », sous-entendu non bio, et je leur réponds que c’est justement ce qu’on fait : redécouvrir les saveurs originelles du vin. C’est toute une éducation et une déconstruction de ce à quoi ils sont habitués, mais au bout de 3 ans, ils ne se voient pas revenir à ce qu’ils buvaient avant.  Je me dis alors que j’ai réussi ma mission ».   

Il y a vingt ans, Alessandra ne se prédestinait pas à cette trajectoire. En échec scolaire, elle quitte l’école à 16 ans. Rêvant d’indépendance, elle démarre comme serveuse et barmaid. Elle sent bien que ses lacunes théoriques sur les contenus de ce qu’elle sert à boire la condamne à rester à cette place, alors elle passe son bac en candidate libre, puis intègre Ferrandi en dernière minute. Pendant un an, elle fait ses classes accélérées à deux pas de l’Assemblée Nationale chez Bernard Loiseau. La carte des grands crus de Bourgogne l’émerveille, mais elle ne peut pas plus la décrypter qu’un texte en chinois. Thomas, le sommelier, la prend sous son aile et lui confirme que son avenir est de parler couramment la langue du vin et des « climats ».  

Après un BTS boissons elle fait ses classes pendant 7 ans aux repaires de Bacchus. Arrivée apprentie, elle repart directrice des ventes, et entre temps a visité nombre de vignobles et vignerons partout en France. 

Pourquoi ce crédo bio ? Elle avance « pour les consommateurs, l’excès de labels ajoute de la confusion alors que le bio, label public et garantie d’état se suffit à lui-même pour savoir comme a été traité le raisin que l’on trouve dans le vin. Les gens ont besoin de clarté : dans toutes mes formations, ma pédagogie, c’est de reprendre les bases. J’ai des questions comme « quoi, mais on peut mettre du glyphosate dans les vignes ? ». S’ils étaient mieux informés en amont, ils choisiraient probablement différemment, il faut accélérer la communication pour être audibles et transparents : le bio dans les champs est nécessaire mais non suffisant pour avoir du plaisir avec le vin, il faut le talent des vignerons ou vigneronnes pour faire de bons vins bien sûr, et choisir en conscience. Mais il est indispensable pour produire proprement ».  

Alors qu’apprend-on avec Alessandra ? Que le vin bio c’est produire du raisin sans produits chimiques synthétique et vinifier avec une liste réduire d’additifs.  

Que la biodynamie c’est le cahier des charges AB augmenté de critères supplémentaires. 

Qu’il peut y avoir des sulfites dans le vin bio. 

Que les labels Vegan traitent de la vinification et ne disent rien des traitements chimiques dans les vignobles sur les grains.   

Où en est-on du vin bio ?  

21% des vignes françaises sont cultivées en bio, et nombre de beaux domaines ont sauté le pas de la certification comme le Pontet Canet à Pauillac ou la Closeries des Moussis dans le Haut Médoc. Des bouteilles qu’on peut retrouver au 22, où elle ravive la tradition oubliée de la dégustation des Gourmets : « au XIIè siècle, l’ordre des Gourmets goûtaient les vins pour en certifier la provenance et leur dégustation passait uniquement par la bouche car c’est elle qui transcende, qui juge le sol. Si vous n’avez pas de terroir, mais de la chimie synthétique, ce n’est pas la même approche ». 

D’accord, mais il a quoi en plus au goût, ce vin bio ? « Selon moi, une expression beaucoup plus juste des acidités. Ce sont des vins qui activent la salivation, plein d’énergie et que bien souvent, on digère mieux grâce aux levures indigènes, c’est-à-dire que l’on utilise celles des grappes du vin ».  

Concernant l’avenir de cette filière, elle se montre rassurée car les vignerons et surtout les enfants de vignerons se convertissent, mais s’impatiente du rythme du processus quand pour elle le 100% bio est réaliste : « il n’y a aucune raison pour que tous les vins ne soient pas bio. A terme. Il faut un cheminement, mais c’est techniquement tout à fait faisable et souhaitable face au dérèglement climatique : le bio est plus résilient, aux maladies et aux climats changeants, donc fonçons ! ». Effectivement, nous sommes à l’heure des choix : irriguer des cultures viticoles comme c’est le cas en Argentine et en Afrique du Sud alors que nous sommes en stress hydrique, ou redécouvrir des cépages autochtones plus résistants et au goût des terroirs oubliés.  

Et qui du cuivre, ou bouillie bordelaise, dont on dit des viticulteurs bio qu’ils en abusent ?  

« Le bio encadre strictement son utilisation à 4kh par an par hectare, et un viticulteur bio le sait : son sol, son « terroir » est son premier capital, jamais il ne l’abîmerait sans compromettre sa certification, et le cuivre n’est pas toxique, quand il est utilisé en toute petite quantité et en faible concentration ni pour l’agriculteur ni pour la nappe phréatique, on en trouve même en complément alimentaire en parapharmacie, alors parlons plutôt robe, alcool, sucrosité, minéralité, longueur en bouche, voilà des mots appétissants »  

Julien Adda et le réseau Cocagne : « soutenir le projet social de la bio »

Depuis 1999, les Jardins de Cocagne font pousser des emplois en insertion dans des fermes pionnières de l’agriculture biologique. « Nous faisons dialoguer le monde agricole et le monde social », explique Julien Adda, directeur du Réseau Cocagne. Et c’est bon pour tout le monde.

Il y a ceux (et celles) qui rêvent d’un pays de Cocagne, et il y a celles (et ceux), pragmatiques et engagés, qui préfèrent les bâtir. Julien Adda est de ceux-là. Infatigable militant associatif, il est venu au bio non pas par l’alimentation, mais par… les chaussures. « En 2006, j’ai participé à la création d’une marque de chaussures équitables à Romans-sur-Isère, avec tannage végétal du cuir, raconte-t-il. Cette aventure m’a fait rencontrer de nombreux acteurs de l’écosystème bio… » Le courant passe si bien que Julien Adda devient en 2010 délégué général de la FNAB, à laquelle il apporte son regard extérieur et son expérience du plaidoyer associatif. « Je viens d’un milieu rural mais c’est avec la FNAB que j’ai véritablement découvert le monde agricole, confie-t-il. Une découverte dont on ne revient jamais vraiment, parce qu’elle touche à l’essentiel. »  

A la tête de la FNAB, il se bat pour faire reconnaître l’utilité publique du travail des agriculteurs bio – notamment la protection de ces biens communs que sont les sols et l’eau. Après sept ans de mandat, il se rapproche encore des champs et prend en 2017 la succession du co-fondateur du Réseau Cocagne. Son défi ? Rapprocher le monde agricole et le monde social, et réaliser l’alliance opérationnelle de ces deux logiques d’intérêt général : « Parlons des situations de travail dans l’agriculture et nous pourrons dialoguer et construire ensemble hors des positions caricaturales », propose-t-il. 

Le goût de l’intérêt général

Le premier Jardin de Cocagne est né en 1991 dans le Doubs, sur une idée visionnaire empruntée à une ferme près de Genève: celle de paniers bio (à une époque où les AMAP n’existaient pas encore!) et solidaires car produit par des personnes issues de l’hébergement social. Le réseau, lui, s’est développé à partir de 1999, en démultipliant les embauches de ces personnes en situation de précarité dans des fermes associatives maraîchères labellisées AB. « Il y a une vraie dimension thérapeutique au travail de la terre en bio : c’est porteur de sens, et réellement gratifiant », insiste Julien Adda. 

En 2023, le réseau Cocagne compte plus d’une centaine d’associations : des exploitations de 5 ha en moyenne où travaillent une trentaine de personnes, dont une vingtaine en contrat d’insertion (5000 personnes accompagnées chaque année!), et qui proposent des paniers aux familles adhérentes – ainsi que des paniers solidaires pour les personnes en situation de précarité alimentaire, des étudiants jusqu’aux familles nombreuses.  

Les paniers solidaires, solvabilisés aux deux tiers, représentent environ 10 % de la production des Jardins. Avec l’ambition de passer de 120 000 à 350 000 paniers solidaires d’ici 3 ans grâce au programme Mieux manger pour tous du ministère des solidarités. « Pour cela, il va nous falloir structurer une vraie filière alimentaire solidaire », explique Julien Adda, qui prône toujours la coopération des acteurs plus que la concurrence : « Partout où nous sommes, nous recherchons tous les liens possibles avec les acteurs locaux ; on s’inscrit dans l’écosystème… et on contribue à l’étendre. »  

Les « écopôles alimentaires » sur lesquels travaille l’association participent de cette logique de filière, du champ jusqu’aux assiettes des personnes les plus défavorisées.  

Inventer un avenir bio et solidaire

Le Réseau Cocagne, qui ne manque jamais de projets, s’active en permanence pour trouver un maximum de débouchés pour les personnes en insertion. Les Jardins créent ainsi des activités de transformation alimentaire et des plateformes logistiques, pour enrichir la palette de métiers proposés – tout en s’intégrant dans les filières agricoles des territoires.  

Le réseau Cocagne déploie également depuis 2021 une expérimentation nommée « Fais pousser ton emploi », qui s’inspire des chantiers d’insertion pour en faire un outil innovant d’accompagnement à l’installation. Car la transition alimentaire aura bien besoin d’agriculteurs, et d’agricultrices !  

Des centres sociaux aux étoiles du chef

La transition se fera aussi par une distribution aussi large que possible des produits bio. Les Jardins de Cocagne s’y emploient avec auprès de leurs 100 000 familles adhérentes, et avec plus de 1 300 points de dépôt – dans les centres sociaux, les associations, les entreprises… et jusqu’aux cuisines d’un chef étoilé, en Ardèche !  

Le Jardin du Terreau, à Cruas, travaille en effet avec Florian Descours, le talentueux et créatif chef du restaurant La Boria, à Privas. Jusqu’à organiser, en décembre 2023, un grand déjeuner délocalisé dans les serres du Jardin – de quoi magnifier les fruits et les légumes produits sur place ! « Le restaurant a aussi embauché en cuisine des personnes ayant fait leur parcours d’insertion au Terreau », précise Julien Adda.  

La bio comme outil d’action publique

Le social ET le bio qui avancent main dans la main : c’est la clé pour la démocratisation de l’agriculture biologique. Et pour aller plus loin encore, Julien Adda propose… de revenir à ce qui a fait la force historique du mouvement : les circuits courts, et la constitution de communautés locales hors d’une pure logique de marché. « Nous devons revenir à un développement articulé autour des effets utiles du bio, explique-t-il. L’agriculture biologique n’a rien à gagner à jouer le jeu du marché : face à des acteurs plus gros et avec des contraintes moindres, les cartes sont truquées. » Il plaide donc pour que les pouvoirs publics reconnaissent le bio « comme un outil d’action publique ».  

Un militant aux services d’entrepreneurs qui construisent des économies hors marché, et qui prône la coopération plus que la concurrence : on connaît des éditorialistes qui auraient tôt fait de le cataloguer en doux rêveur. S’ils savaient combien Julien Adda et les Jardins de Cocagne ont créé d’emplois, ils riraient peut-être un peu moins. Et qu’ils commandent donc un panier bio, tant qu’ils y sont.  

ÉVALUATION DE LA CAMPAGNE D’INFORMATION ET DE PROMOTION DE L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE ET SES PRODUITS ANNEES 2023-2024-2025,

L’Agence BIO réalise une mise en concurrence ayant pour objet l’évaluation de l’impact de la campagne d’information et de promotion de l’agriculture biologique et ses produits années 2023-2024-2025, intitulée « Du Bio, Chef » (Le nom du programme dans les outils de communication est « Cuisinons Plus Bio).  

Lancement de la procédure : Jeudi 21 décembre 2023 
Date limite de réception des offres : Lundi 22 janvier 2024 – 12h00 (heure française) 
Notification : Jeudi 25 janvier 2024 

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François Besancenot, la pédagogie par le goût

Attention, cet homme va vous faire aimer les légumes comme jamais ! Géographe et cuisinier, François Besancenot développe dans la région lyonnaise une vraie pédagogie du bien-manger, en partant des produits eux-mêmes pour sensibiliser aux bienfaits de l’agriculture biologique. Vert, et emballant ! 

Combien de vies a eu François Besancenot ? Étudiant puis enseignant en géographie, ingénieur territorial, cuisinier, créateur d’outils pédagogiques, animateur de conférences-dégustation, il est également devenu auteur en 2023, avec un ouvrage de référence, complet et sensible : Légumes des terroirs : histoire, vertus et mode d’emploi (ed. Le Sureau), co-écrit avec Daniel Vuillon, maraîcher bio et fondateur du réseau AMAP. Et comme formateur de futurs chefs, il plaide pour une nouvelle façon d’appréhender les produits, pour qu’ils donnent le meilleur – sur le plan du goût, de la santé, et du respect de l’environnement. En bio, donc.  

De la théorie à l'approche par le goût

Mais n’allons pas trop vite, et remontons donc avec lui le « fil vert » d’une vie bien remplie. Né d’un père agriculteur et d’une mère pharmacienne, François Besancenot se lance d’abord dans des études de géographie, « pour comprendre comment se fabrique un territoire ». Il soutient une thèse sur le développement durable appliqué aux territoires en reconversion industrielle, enseigne pendant trois ans. En 2008, premier virage : il quitte l’Université pour rejoindre l’association e-graine, dans laquelle il développe des contenus pédagogiques d’éducation au développement durable, avant de mettre tous ces savoirs en pratique, en travaillant plusieurs années pour le Parc Naturel de la Chartreuse.  

Toutes ces expériences forgent en lui une conviction : pour sensibiliser à l’environnement et parler au plus grand nombre, il faut partir non pas de la théorie, mais de l’expérience concrète, sensible : « partir de la base, et de ce qui fait plaisir : manger, cuisiner, partager un bon plat avec d’autres… Un peu comme le vin, avoir une expérience géo-sensorielle mais aussi reliée aux autres… Alors seulement, vous pouvez parler de la façon dont les légumes sont produits, l’importance des vitamines, le danger des intrants, etc. Et donc de notre environnement et de notre santé. » 

Et comme François Besancenot ne fait pas les choses à moitié, il amorce le deuxième grand virage de son parcours : en 2016, à quarante ans, il sinscrit… à un CAP Cuisine. « Pas une reconversion, précise-t-il : mais un nouvel apprentissage en vue de mettre en place une nouvelle pédagogie ». Car il a un plan en tête… 

La passion du bien-manger

Plusieurs expériences s’ensuivront : restaurants, ferme-auberge, traiteur… Partout où il passe, il développe l’approvisionnement en bio. « 1 % de bio seulement dans les restaurants, c’est fou !, dit-il. Mais quand on développe l’argument de santé, et de vie du territoire, on arrive à faire bouger les choses… » 

C’est aussi dans cet esprit qu’il monte l’association Santé-Goût-Terroir, avec un ami vigneron bio. « L’idée avait germé avant même que je m’inscrive en CAP, raconte-t-il. Je me suis dit : pourquoi ne pourrions-nous pas parler des légumes comme on le fait d’un vin, avec son terroir, son mode de production, la subtilité du goût ? » 

L’équipe de l’association parle aux petits et aux grands dans les écoles du Grand-Lyon (de la crèche à l’université), sur les marchés, dans les centres sociaux : partout, ils expliquent les bienfaits très réels des légumes cultivés en bio, ils racontent leur histoire, leur géographie, mettent les sens en éveil, redonnent le goût de l’artichaut…  

Bio : la conviction par l’exemple

Les confinements de 2020-2021 mettent un coup d’arrêt provisoire à ces rencontres. François, lui, poursuit son travail de restaurateur dans une crèche. Il y travaille avec un approvisionneur bio (Biorégion), et s’applique à changer les pratiques. Moins de plats préparés, on se met à montrer, sentir, raconter l’histoire des légumes, les travailler, jouer sur les couleurs pour donner l’appétit aux enfants…  Le résultat ? Un travail qui prend du sens, une diversité de goûts accrue, l’enthousiasme des enfants… et un budget parfaitement tenu (1,41€ de coût-matière par repas) grâce à une réduction drastique du gaspillage. « En brossant les légumes au lieu de les éplucher, on gagne près de 15 % en volume, sans rien jeter», explique-t-il. Et parce que les légumes bio, plus rustiques, sont « moins dopés aux intrants et à un apport souvent excessif en eau », ils se conservent mieux, et permettent de réaliser des économies d’échelle en achetant en plus grandes quantité. Un cas d’école, si on ose dire ! 

Former celles et ceux qui feront bouger les lignes

Depuis 2022, François Besancenot a ajouté une nouvelle corde à son arc : il intervient comme formateur pour des élèves de lycée hôtelier et des étudiants en Licence 3 professionnelle liée aux métiers du tourisme et à la valorisation des produits de terroir à l’Université. Très loin du CAP qu’il a pu suivre. « En CAP, on nous appris le comment, mais jamais le  pourquoi. Les étudiants à qui je m’adresse veulent en savoir plus sur les produits eux-mêmes, leur raison d’être, leur origine, leurs bienfaits, leur « destinée », ils se demandent comment en parler à leurs futurs clients… »  

Avec eux, comme lors des conférences-dégustations qu’il mène parfois avec avec des producteurs locaux, il développe son discours sur les 4C essentiels au respect du produit : connaître, choisir, conserver, cuisiner. « Pour que de bout en bout, le légume donne le meilleur au niveau goût et santé ! » 

« Légumes des terroirs » : le livre, et la suite

Ces 4C sont à la base du livre Légumes des terroirs : histoire, vertus et mode d’emploi. Un trésor de savoirs sur les légumes de nos jardins et leurs différentes variétés, leurs apports nutritionnels, leur goût… et les différentes façons de les cuisiner. Un ouvrage de référence « tout-en-un », avec des conseils extrêmement pratiques dont nous devrions tous prendre de la graine : ne pas conserver trop longtemps les poireaux dans son réfrigérateur, par exemple (ils y perdent vite leurs vitamines), préférer les cuissons à la vapeur, ou à l’étouffée pour tous les légumes pour qu’ils conservent toutes leurs qualités organoleptiques… ou encore garder le jus de cuisson, qui aura conservé arôme et nutriments.  

Le livre est sorti au printemps 2023. Depuis lors, François Besancenot est reparti en campagne pour partager le plaisir des légumes. Il intervient sur les marchés, poursuit ses conférences-dégustations et propose aussi des ateliers-cuisine. On vous souhaite de bientôt croiser sa route !  


Bon appétit ! 

Julie Stoll : « le commerce équitable, un point d’appui vers le bio »

Economiste du développement et figure du commerce équitable en France depuis près de quinze ans, Julie Stoll est aussi une convaincue de la bio. Deux labels qui partagent des valeurs, une vision des filières agro-alimentaires… et des défis communs pour les années à venir.

Qui a dit que les grandes écoles menaient seulement aux banques d’affaires ? C’est lors de ses études à la London School of Economics que Julie Stoll s’est intéressée au commerce équitable. Sa première expérience professionnelle, dans une maison d’édition plutôt éloignée de la doxa capitaliste, Pluto Press, qu’elle publie un ouvrage sur le sujet.

De retour en France, après une expérience au sein de l’ONG CCFD-Terre Solidaire, elle intègre en 2008 la plateforme Commerce Equitable France, dont elle est la déléguée générale depuis 2017.

Deux labels qui se complètent

Mais peut-être faut-il rappeler les bases du commerce équitable ? Une juste rémunération pour les producteurs, une relation commerciale inscrite dans la durée, des projets de développement local, la transparence et la traçabilité des filières, la sensibilisation des consommateurs… « Ce que je retiens surtout, c’est que le commerce équitable permet d’améliorer les relations entre les acteurs au sein d’une filière donnée, précise Julie Stoll. C’est ce partage de la valeur qui donne des moyens aux agriculteurs d’investir dans la transition écologique. »

Aujourd’hui, Commerce Equitable France regroupe des entreprises, des ONG, des associations d’éducation populaire… et bien sûr, les 7 principaux labels présents sur le marché français : SPP, FairTrade/Max Havelaar, WFTO, Biopartenaire, Fair for life, Agri-éthique et Bio équitable en France. « C’est notre biodiversité », sourit Julie Stoll, avant de préciser que les labels sont bien plus que des logos apposés sur les produits : « Tous garantissent le respect de la définition légale du commerce équitable, avec des dispositifs d’audit et de contrôle aussi robustes que ceux du label AB. Mais un label n’est pas seulement un signal envoyé au consommateur, chacun d’entre eux fédère et anime un véritable écosystème d’entreprises et d’organisations de producteurs – c’est une dynamique précieuse pour mettre en mouvement tous les acteurs ! »

L’équitable en croissance… et en France

Et de dynamique, le commerce équitable ne manque pas. Depuis 2010, le marché a en effet été multiplié par 6, et dépasse désormais les 2 milliards d’euros annuels. Les deux tiers des ventes sont des produits qui viennent des pays du Sud – café, thé, cacao, bananes… Les filières françaises, encouragées par la Loi Hamon en 2014, représentent aujourd’hui un tiers des ventes de produits équitables, dans des domaines très divers : blé et boulangerie, produits laitiers, légumineuses, viandes et œufs… « En France comme dans le commerce Nord-Sud, les principes du commerce équitable sont les mêmes : on repense la rémunération des acteurs, et on structure des filières plus écologique grâce à des mécanismes d’amélioration de la répartition de la valeur ». Avec un souci de plus en plus saillant pour la préservation de l’environnement – qui s’est imposée depuis comme la Loi Climat de 2021 comme un nouveau « pilier » du commerce équitable.

Un nouveau pilier environnemental

« L’environnement est un engagement historique des acteurs français du commerce équitable », explique Julie Stoll. Une question de valeurs partagées, de responsabilité… et depuis la Loi Climat de 2021, une obligation. « C’était devenu une sorte d’évidence, mais nous avons poussé pour que ce soit inscrit dans la loi », précise Julie Stoll, elle-même consommatrice de bio « de la première heure ». Et s’il ne fallait retenir qu’un chiffre, ce serait celui-là : 83 % des références en commerce équitable sont également bio. Et c’était déjà la cas avant la loi Climat !

L’équitable résiste à l’inflation

Mais alors… Le commerce équitable connaît-il les turbulences dont souffre l’agriculture bio depuis la crise du Covid ? Pas tout à fait. En 2022, la consommation « équitable » a encore crû de 2 %, portée notamment par les filières françaises. Mais la conjoncture est évidemment délicate. « Nos labels n’ont heureusement pas à souffrir de la fabrique du doute qui a fragilisé l’agriculture bio ces dernières années, avec l’apparition d’appellations trompeuses, souligne Julie Stoll. L’inflation en revanche rend le contexte moins favorable, avec les arbitrages de certains consommateurs pour les produits les moins chers. » Pour autant, ajoute-t-elle, dans certains cas le commerce équitable aura été un rempart contre l’inflation. Dans la boulangerie, par exemple : « les prix du blé ont grimpé en 2022 pour des raisons essentiellement liées à la spéculation ; mais avec les contrats de commerce équitable garantis sur le long terme sur la base des coûts de production et non des prix de marché, les produits équitables étaient finalement moins chers !»

Vers une transition alimentaire bio et équitable

Reste à généraliser ce modèle vertueux. Et cela, Julie Stoll et Commerce Equitable France y travaillent, en se battant pour faire modifier les règles du jeu économique. « Mon premier souhait serait de mettre en cohérence toutes les politiques publiques pour favoriser l’engagement vers la transition alimentaire : moins de produits carnés, moins d’emballages, et plus de  produits bio et équitables », dit-elle. Encore faudrait-il que la puissance publique récompense les investissements allant dans le sens d’une protection de la nature et d’une juste rémunération des agriculteurs. Par des systèmes de bonus/malus écologiques, par exemple, et des plans d’accompagnement des acteurs à la transition agroécologique. Et Julie Stoll de pointer quelques lueurs d’espoir, comme ces discussions entamées dans certains pays africains pour moduler la fiscalité à l’export du cacao en fonction des pratiques des acheteurs : des taux moins élevés pour le cacao équitable et plus élevé pour ceux qui ne garantissent psa le paiement d’un prix décent aux planteurs.  « Voilà qui serait un vrai signal prix pour faire bouger les lignes et redonner de la compétitivité prix aux démarches d’avenir ! » conclut-elle. Un signal que toute la communauté bio guettera assurément aux côtés des acteurs de l’équitable…

Vincent Rozé : le bio joue et gagne en collectif

Installé depuis 22 ans en GAEC dans une ferme des Alpes, Vincent Rozé préside depuis 2017 le réseau Mangez Bio et ses 21 plateformes destinées à la restauration collective. Portrait d’un entrepreneur engagé, qui joue collectif avec un pragmatisme convaincant.

Un sourire dans la voix, le tutoiement facile et le verbe précis : Vincent Rozé est de ces gens qui vous embarquent en quelques phrases, et qui vous font voir le monde avec un regard neuf, et un optimisme revigoré.  

Né en Bretagne, fils d’éleveur, Vincent se lance dans des études d’ingénieur en « sciences de la terre », en Picardie. Le goût de l’aventure le conduit à effectuer son stage de fin d’études en Russie… dans un kolkhoze. Il y restera finalement 5 ans, avec une grande leçon : le collectif ne vaut que s’il permet aussi l’épanouissement de chaque individu. « C’était l’époque post-soviétique, se souvient-il. J’ai vu de près comment ce système avait détruit l’économie, mais aussi les gens. Plus personne ne se faisait confiance !» Et il glisse, malicieux : « J’y ai aussi travaillé avec des Américains, qui m’ont tout appris de la vente. » Il y rencontre aussi des amis avec qui, de retour en France, il décide de s’associer pour reprendre une exploitation laitière. Le projet : monter une fromagerie, et faire du pain, en prime.  

La Ferme de Sainte-Luce, de 0 à 22 travailleur.euses

A l’été 2000, ils visitent des exploitations, dans les Alpes. Dès la deuxième semaine, une rencontre, une ferme à reprendre à Sainte-Luce (Isère), et c’est parti : en 2001, les voilà installés en GAEC, avec une trentaine de vaches, prêts à convertir la ferme en agriculture biologique. Le bio, pour Vincent Rozé, c’était une évidence. « Une agriculture avec des produits chimiques qui tuent la vie ne peut pas gagner, dit-il avec le plus grand calme. Et d’ajouter : « J’espère qu’on pourra dire un jour que le chimie n’a été qu’une courte parenthèse dans l’histoire de l’agriculture.»  

L’organisation du travail se fait de façon collective et pratique : « Au départ, il s’agissait surtout de nous organiser pour garder les enfants ! ». Une philosophie qui perdure encore, alors que vingt ans plus tard, la ferme a bien grandi : si lait et fromages demeurent la principale production, on y fait aussi du pain (avec une marque de biscuits salés et sucrés), et désormais de la bière. Le tout sur 150 hectares, dont 90 ha de prairies. Aux 45 vaches s’ajoutent 60 cochons, qui valorisent le petit-lait et les drêches de fermentation de la bière. Le GAEC compte aujourd’hui 7 associés, et une équipe de 22 personnes – pour la production, mais aussi la commercialisation, en circuit court (« 80 % entre Grenoble et Gap », précise Vincent Rozé), auprès de particuliers ou de cantines locales. 

Mangez Bio Isère : une plateforme qui croît...

Mais pour livrer la restauration collective, il faut des volumes, et une offre diversifiée. La solution, pour les agriculteurs bio ? S’associer. Voilà pourquoi, en 2005, Vincent Rozé a créé la plateforme Mangez Bio Isère, en s’inspirant d’une expérience similaire en Ille-et-Vilaine. Les débuts ont été modestes, avec 5 producteurs et un salarié pour la commercialisation. « L’aide du département a été déterminante ; elle nous a donné le temps de grandir pour atteindre l’autonomie financière. Mais nous savions aussi que pour être pérenne, notre modèle devait être viable sans argent public ! » Quinze ans plus tard, le pari est réussi : Mangez Bio Isère réalise 7,5 M€ de chiffre d’affaires. La plateforme compte aujourd’hui 20 salariés, des achats au suivi de clientèle en passant par la structuration des filières, les ressources humaines, la qualité… et la logistique. 

« C’est un nouveau métier pour nous, et il est essentiel, insiste Vincent Rozé. Sur un appel d’offres, il peut représenter 50 % de nos coûts. Et là-dessus, nous devons être compétitifs, parce qu’on ne peut pas seulement compter sur nos valeurs ». Etre irréprochables sur le bio et sur le service, en somme. Et fixer le prix au plus juste pour les consommateurs et pour les producteurs.  

Vivement Egalim, pour de vrai

Depuis 2017, Vincent Rozé préside le réseau Mangez Bio, qui compte 21 plateformes en France. Idéalement placé, donc, pour voir la dynamique qui se poursuit (+15 % de croissance en 2022), mais aussi les résistances, chez des élus locaux qui n’ont pas encore pris conscience du caractère vital de l’enjeu d’une agriculture qui ne surexploite pas les ressources. « Avec le brouillard savamment entretenu par les labels type HVE, on sent aussi une grande appétence pour le local, sans trop regarder ce qui se cache derrière… » Face à cela, le réseau Mangez Bio a des atouts importants à faire valoir : une organisation collective, la maîtrise des métiers, et la capacité de garantir de gros volumes dans la durée. « Ce qu’il nous faudrait maintenant, c’est que la loi Egalim soit vraiment respectée », conclut-il.  

Il sait qu’une loi sans sanction n’est pas vraiment une loi. Il sait aussi que sur le temps long, il s’inscrit dans le sens de l’Histoire – celle qui respecte la nature au lieu de la contrôler. De la Bretagne à l’Isère en passant par la Russie, il a bien appris qu’à trop vouloir contrôler, on crée souvent plus de problèmes qu’on en résout… 

Valentin Ceze, pour une alimentation positive : la bio relève le défi

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Depuis dix ans, les défis « Foyer à Alimentation Positive » (FAAP) sensibilisent chaque année plusieurs centaines de familles pour consommer plus de bio sans alourdir le budget alimentaire et sont pilotés par le GAB 56 et GAB 44. Une démarche de plus en plus tournée vers les publics en situation de précarité, nous explique Valentin Cèze, chargé de mission à la FNAB, qui pilote l’opération.

L’idée est née en Rhône-Alpes, en 2012. Le principe ? Plusieurs équipes d’une dizaine de foyers (avec ou sans enfants) relèvent ensemble le défi d’augmenter leur consommation de produits bio locaux tout en conservant un budget constant… et en se faisant plaisir.

La première expérience fut un succès, et l’essaimage s’est fait naturellement, avec une formule éprouvée qui s’adapte à chaque territoire. L’impulsion de départ est toujours donnée par une structure locale (collectivité, CCAS, communauté de communes…) avec le GAB (Groupement d’agriculteur-ices biologiques) local. Des structures relais recrutent les foyers volontaires pour participer au défi… Et c’est parti pour 6 à 8 semaines en moyenne, avec une recette qui a fait ses preuves : une soirée d’ouverture, suivie d’un temps fort tous les 15 jours environ :visite de ferme bio, cours de cuisine, atelier anti-gaspi… Pendant tout ce temps, chaque foyer note avec précision ses achats alimentaires, pour pouvoir dresser le bilan lors de la soirée de clôture conviviale, où les participants partagent leurs recettes. Si les équipes ont réussi à manger mieux sans augmenter leur budget, c’est gagné !

Une dynamique au-delà de l’opération

En 2023, 24 défis FAAP ont été organisés dans 12 départements, avec un peu plus de 600 foyers inscrits. « Nous n’avons pas la force de frappe de grands acteurs, mais sur chaque territoire où nous intervenons, nous faisons tout pour créer une vraie dynamique positive autour de l’alimentation bio », explique Valentin Cèze, chargé de mission Alimentation et Commercialisation du bio à la FNAB.

Originaire des Hautes-Alpes et connaisseur du milieu agricole, le jeune homme a fait ses premières armes professionnelles dans une association d’aide alimentaire appuyée à une entreprise de l’ESS de récupération d’invendus. Et il reconnaît volontiers n’avoir pas toujours été un militant de l’agriculture biologique. « Comme beaucoup de monde, je manquais d’information sur le sujet, dit-il, avant d’ajouter dans un sourire : Au fond, j’aurais été un parfait candidat pour les défis ! » Désormais converti, il loue avec verve l’importance de la bio pour les consommateurs, les producteurs et les territoires. Et il sait que les défis FAAP peuvent créer le même genre de déclic. « L’objectif est de réussir le défi, et de changer les pratiques de plusieurs foyers sur un même territoire. Mais l’idéal est surtout de faire de nos participants des ambassadeurs, bien après l’opération ! » Un défi après le défi, en quelque sorte ; avec de vraies chances de succès. « Nous n’avons pas de données sur l’écho que peuvent avoir nos opérations [un travail est en cours sur ce point avec des universitaires], mais nous savons qu’ils en parlent autour d’eux pendant le défi ; et qu’il y a généralement une vraie fierté des résultats. »

Achats bio en hausse, à budget (presque) constant

Achats bio en hausse, à budget (presque) constant

Les résultats, parlons-en !

Depuis 2012, les statistiques parlent d’elles-mêmes : plus de 2000 participants, 17 points d’achats bio en plus dans la ventilation des courses (dont +11 pour le bio local)… et une augmentation du budget alimentaire de seulement… 0,04€.

Pour les défis de 2023, la réussite est plus éclatante encore sur la maîtrise du budget : le panier moyen des repas est en effet passé de 2€ à 1,60€ – avec un « panier bio local » en hausse de 8 points. Le tour grâce aux actions de sensibilisation, mais aussi à l’entraide entre participants.

« Il y a une vraie émulation, entre les équipes et au sein de chaque équipe », se félicite Valentin Cèze. Émulation et non compétition, cela n’aurait aucun sens. Même si la coopération n’empêche pas d’éprouver la fierté d’avoir obtenu le meilleur score.

Au défi des foyers les plus précaires

Et si, comme le veut l’adage, on ne change pas une formule qui gagne, les GAB ont été eux aussi mis au défi. Depuis plusieurs années, en effet, les partenaires institutionnels sollicitent de plus en plus souvent le réseau pour réaliser des opérations avec des populations en situation de précarité, ou sur des territoires où manger bio est encore tout sauf un réflexe. Le XVIIIe arrondissement de Paris, par exemple.

« C’est une demande des collectivités locales au départ, note Valentin Cèze, mais c’est aussi une préoccupation croissante pour les agriculteurs bio, qui veulent montrer qu’ils s’adressent à tout le monde et pas seulement à une population aisée ».

Ainsi donc, chaque mois, un peu partout sur le territoire, des agriculteur.ices sensibilisent, échangent, démontrent. Et des familles apprennent à penser leurs courses autrement, cuisiner des produits bruts, inventer de nouvelles recettes…

Ouvrir des perspectives

Et tandis que de nouveaux défis FAAP se préparent pour 2024, la FNAB développe ou soutient d’autres opérations qui permettent de « décloisonner le bio » et de lever les freins qui subsistent à son adoption par de nouveaux consommateurs. A l’image de la douzaine de projets proposés par les GAB dans le cadre du programme « Mieux manger pour tous », ou de l’opération P.A.N.I.E.R.S, dans les Hauts-de-France, où la distribution de paniers bio s’accompagne d’ateliers de sensibilisation ou de formation. 

Les GAB 44 et 56 assurent respectivement la gestion du site internet des Défis FAAP (https://www.foyersaalimentationpositive.fr/) et l’accompagnement “technique” à la structuration d’un défi. La vraie nouveauté en 2024 est l’arrivée du GAB 44 dans la coordination des foyers, le GAB 56 étant depuis longtemps au coeur du dispositif, notamment pour accompagner les chargé-es de mission des GAB qui lancent pour la première fois un défi sur leur territoire. 

Autant de petits cailloux posés sur la route de projets plus ambitieux ou la refonte du système agricole et alimentaire français à laquelle la FNAB travaille via le collectif Nourrir. « Ce qui m’a marqué avec la bio, en plus de ses bienfaits pour les consommateurs, les paysans et l’environnement, c’est la force et le dynamisme du réseau », souligne Valentin Cèze, qui conclut en rappelant qu’il serait temps, pour tous les acteurs de la filière, de faire enfin respecter loi Egalim sur la restauration collective : « C’est essentiel, et pas seulement pour une question de débouchés économiques ! assure-t-il. Car le bio va bien au-delà. »

Voilà ce qu’on appelle la foi des convertis.

Cuisinons plus bio au SMCL 2023

L'Agence BIO sera présente au salon des Maires et des collectivités locales pour promouvoir le bio au restaurant, avec la campagne #CuisinonsPlusBio

En septembre dernier, l’Agence BIO a lancée sa campagne co-financée par l’Union Européenne #CuisinonsPlusBio. A la fois campagne d’information citoyenne, et communication pratico-pratique, celle-ci va mettre en lumière les chef.fes déjà engagé.e.s dans la transition alimentaire et donner envie à celles et ceux qui ne mettent pas encore de bio dans leurs menus de suivre le mouvement, en les accompagnant tout au long de leur démarche.

A l’Agence BIO invite donc les collectivités et les élus à les rejoindre du mardi 21 au jeudi 23 novembre au Pavillon 4 secteur Développement et Attractivités territoriales, stand F13 à Paris Expo, Porte de Versailles, pour un partage d’expériences et de réponses concrètes.

L’Agence BIO proposera également deux conférences sur l’espace « Atmosphère Résilience Agricole et Alimentaire » du Pavillon 4 :

Conférence 1 : Projets alimentaires territoriaux, une opportunité pour les produits locaux et bio ?

Mercredi 22/11 de 15h30 à 16 h15.

Conférence 2:  Cuisinons plus bio, des dynamiques urbaines !

Jeudi 23/11 de 11h30-12h15.

Retrouvez toutes les informations ici

BIOCTOBER

qu'est ce que c'est ?

Tout le mois d’octobre, l’Agence BIO lance le challenge #BIOCTOBER sur Instagram pour inviter chacun à mettre en place des petits ou grands changements dans son assiette et tendre vers plusde bio.

Objectifs

L’objectif derrière cette mécanique serait de mettre en avant deux messages : 

#1 Manger bio ne coûte pas un bras 

#2 On peut manger bio et gourmand

Le discours est très positif et non culpabilisant, et est soutenu à travers la production de contenus vidéos sponsorisés sur les réseaux et la diffusion tout au long du mois de contenus organiques relayés sous le hashtag #BIOCTOBER. 

pour cette edition....

En l’honneur du BIOCTOBER la compétition s’est disputée intégralement avec les oeufs bio de l’agricultrice Gaëlle PICARD, originaire de la Côte D’or.

Encore la preuve que bio et délicieux s’accordent parfaitement !

Bertrand Chareyron, la passion de l’innovation durable

Depuis 2007, Tech & Bio réunit tous les deux ans des agriculteurs de tous horizons pour découvrir les nouvelles techniques de production biologique et alternative. A la tête de ce Salon, Bertrand Chareyron: un ingénieur devenu agriculteur lui-même, éternel optimiste et pragmatique acharné, pour qui la bio montre à tous le chemin de l’innovation durable.  

C’est l’histoire d’un fils d’agriculteur de la Drôme qui n’aime travailler ni en silos ni en solo. Un « technicien », comme il aime se définir, ingénieur agronome passé par l’Isara, à Lyon, où il s’est passionné très tôt pour les questions de fertilité des sols et comme une évidence sur l’agriculture biologique.

Sa première aventure professionnelle l’amène à la Chambre Régionale d’Agriculture de Franche-Comté. Sa mission principale : aider les éleveurs de bovins bio à accroître leur autonomie alimentaire. « Nous étions en 1999, c’était le tout début de la bio, se souvient Bertrand Chareyron. Nous n’étions encore qu’une poignée de conseillers en France. Et nous nous retrouvions souvent à Paris, à l’APCA, à l’ITAB ou à la FNAB pour partager nos références, nos différents essais sur les relations sols/plantes/animal et pour ma part sur le lupin, les pois fouragers, les féveroles… »

En 2003, retrouvant sa Drôme natale, il devient référent Grandes cultures bio en Rhône-Alpes, où il s’emploie à faire circuler les bonnes pratiques et les connaissances techniques. C’est dans cet esprit qu’il organise en 2004 une Journée Grandes cultures bio. Le succès de ce type de journées techniques reproduites par ses collègues sur différentes filières donne à la Chambre d’agriculture, appuyée par le Département de la Drôme et l’APCA, l’idée d’organiser un salon : ainsi est né ce qui allait devenir Tech&Bio.

le bio, ou la richesse de l'innovation sous contrainte

La première édition du salon se tient en 2007. Sous la direction d’Olivier Durant, Bertrand Chareyron y est notamment en charge des cultures de démonstration. « Du pratico-pratique ! » insiste-t-il. La programmation du salon n’en porte pas moins la marque de son engagement de toujours, et de son ouverture vers toutes les agricultures. « L’échange de pratiques entre agriculteurs bio était évidemment au cœur du projet, raconte-t-il. Mais il nous paraissait essentiel de nous adresser aussi aux agriculteurs conventionnels. » Parce que beaucoup d’entre eux ont le souci d’utiliser des techniques alternatives aux produits chimiques. Et parce qu’avec les contraintes qu’elle s’impose, l’agriculture biologique stimule la créativité : un terreau parfait pour des innovations qui peuvent bénéficier à tous !

Un exemple ? Les bineuses, pour éviter le recours aux désherbants, dont les performances s’améliorent d’année en année – et que l’on retrouve désormais chez tous les concessionnaires. « Tech&Bio est aussi l’endroit où les agriculteurs peuvent faire entendre leurs messages aux industriels, et faire comprendre leurs besoins ! » Besoins qu’il connaît bien pour côtoyer les exploitants bio en tant de conseiller… mais aussi, désormais, en tant qu’agriculteur lui-même.

Un technicien devenu agriculteur...et commissaire

En 2018, en effet, Bertrand Chareyron a repris la ferme familiale, qu’il a convertie en bio pour produire, sur une vingtaine d’hectares, luzerne, soja (pour l’alimentation humaine), maïs, blé et seigle, ainsi que des semences de tournesol.

Trois ans plus tard, prenant la suite d’Olivier Durant, il devient commissaire général de Tech&Bio, avec la complicité notamment de Mélanie Béranger (animatrice du réseau bio des chambres d’agriculture) pour le contenu technique et la programmation des rencontres. « L’esprit est toujours le même : nous cherchons les expertises les plus pointues, pour que tous les agriculteurs puissent trouver le meilleur des techniques bio, des techniques alternatives et réponse à leurs questions. »

Réunir une telle diversité d’experts (issus du réseau des chambres d’agriculture mais aussi des instituts techniques, de l’INRAE, des GAB, de la Coopération agricole ou encore des CUMA…) est pour lui l’une des plus grandes réussites de Tech&Bio. L’autre, c’est d’avoir su maintenir cette ouverture aux agriculteurs conventionnels, pour faire de Tech&Bio « le salon de tous les agriculteurs en quête de solutions et de pratiques agricoles durables ». Avec un credo : les conventionnels d’aujourd’hui sont les bios de demain !

Sobriété et adaptation, deux thèmes phares en 2023

21 000 visiteurs et 375 exposants sont attendus pour l’édition 2023, qui accueillera 13 délégations internationales et proposera une centaine de démonstrations et ateliers en plein champ, sur l’exploitation du Lycée Agricole du Valentin, à Bourg-lès-Valence. « On y mettra l’accent sur deux grandes thématiques : la sobriété énergétique et l’adaptation au changement climatique ». Il y sera beaucoup question de pilotage de la ressource, d’irrigation et de techniques diverses pour diminuer les besoins en eau. D’énergies renouvelables aussi – de la méthanisation à l’agri-voltaïque. Avec comme toujours une approche par l’exemple, et des échanges constructifs sur les pratiques efficaces et durables.

Et qu’on ne parle pas à Bertrand Chareyron de « crise de la bio » ! « Eternel optimiste » mais aussi résolument pragmatique, il constate bien une crise du pouvoir d’achat dans une période chahutée, mais reste « convaincu que la bio a un grand avenir devant elle ». Et il appelle tous les agriculteurs à optimiser leurs pratiques pour convaincre de nouveau les consommateurs en parlant à leur porte-monnaie autant qu’à leur conscience écologique. Comment faire ? S’inspirer des pratiques les plus efficaces pour baisser ses coûts de production, mais aussi pour valoriser au mieux les productions – Un mot de conclusion ? « Venez donc parler de tout ça avec nous à Tech&Bio 2023 », lance Bertrand Chareyron dans un grand sourire.

La Journée Européenne du Bio au restau

Avec seulement 1% de denrées bio aux menus de 170 000 restaurants, les possibilités sont grandes pour que les chef.fes français.e.s mettent plus de bio à la carte de leur établissement. Étoilés, bistrots, routiers, pizzerias, glaciers ou encore restauration rapide, tous les restaurants ont un rôle à jouer dans la transition alimentaire et agricole en mettant du bio à leur carte !

Chaque année, le 23 Septembre, fêtons la Journée Européenne du Bio au resto. 
A cette occasion soutenons les professionnels de la restauration engagés en faisant vous aussi le choix de menus BIO. 

On à tous de bonnes raisons de manger BIO.

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LE BIO ARRIVE AU SIRAH OMNIVORE A PARIS

Avec seulement 1% de denrées bio aux menus de 170 000 restaurants, les possibilités sont grandes pour que les chef.fes français.e.s mettent plus de bio à la carte de leur établissement. Étoilés, bistrots, routiers, pizzerias, glaciers ou encore restauration rapide, tous les restaurants ont un rôle à jouer dans la transition alimentaire et agricole en mettant du bio à leur carte !

Loïc GUINES, Président de l’Agence BIO & Laure VERDEAU, Directrice de l’Agence BIO vous donnent rendez-vous au SIRHA OMNIVORE PARIS pour la présentation de leur nouvelle campagne européenne de promotion et d’information sur l’agriculture biologique à destination des professionnels de la restauration.

 LUNDI 11 SEPTEMBRE 2023

Au programme:

  • DÈS 10H30 : POINT PRESSE AVEC DÉGUSTATIONSUR LE STAND DE L’AGENCE BIO
  • DE 11H30 À 12H : PRISE DE PAROLE DE LAURE VERDEAU, Directrice de l’Agence BIO, sur la scène liquide rendez-vous sur le stand C56 de l’Agence BIO au Parc Florale de Paris

Pour plus de bio au restaurant

L’Agence BIO est ravie d’avoir obtenu une subvention de l’Union Européenne pour la première campagne européenne qui aura pour mission de mettre plus de bio à la carte des restaurants. .Cette campagne déclinera le #BIORÉFLEXE pour les professionnels de l’hospitalité et de la restauration. 

SALON TECH & BIO EDITION 2023

Organisé tous les 2 ans par les Chambres d’agriculture, Tech&Bio, le salon de référence des techniques bio et alternatives, se déroulera les 22 et 23 septembre 2021, à Bourg-lès-Valence dans la Drôme, au Lycée agricole du Valentin.

L’Agence BIO sera présente sur le Salon Tech & BIO qui se tiendra les 20 et 21 septembre prochain sur le stand de la DRAAF D31, aux côtés des Agences de l’eau de l’INAO. 

L’Agence BIO y organisera deux temps forts :

  • 20 septembre : 08H30 – 10H00 : Conférence de presse Agence BIO – Stand de la DRAAF D31

En exclusivité : Les résultats du premier Baromètre du moral des agricultrices et agriculteurs bio présentés par l’Agence BIO !

  • 20 septembre : 15H00 – 16H00 : Conférence Agence BIO – Salle 7

Les agriculteurs et agricultrices BIO s’expriment ! Retour sur leurs prises de parole à l’occasion d’une enquête d’ampleur : Présentation du 1er baromètre par l’Agence BIO.

L’agence BIO interviendra également sur plusieurs temps forts partenaires :

L’Agence BIO interviendra également lors de deux temps forts “Filières et Marchés” et “Collectivités” organisé par Les Chambres d’Agriculture, La Coopération Agricole et le SYNABIO.

  • 20 septembre 11H00 – 12H00 : Conférence Maraîchage – Salle 7

Conférence Micro-ferme : « Pratiques maraîchères et gestion, Intervention de Jean-Martin Fortier, agriculteur-enseignant ».

  • 20 septembre 14H30 – 15H30 : Temps Fort “Productions bas niveau d’intrants” – Stand de la DRAAF D31 

Témoignages d’acteurs avec Malt’In Pot : projet du Fonds Avenir Bio.

  • 21 septembre 09H45 – 13H00

Les rencontres Filières et Marchés BIO : Comment relever les défis dans un contexte chahuté ?

  • 21 septembre 14H30 – 15H30

Les rencontres Collectivités : Introduction de 20% de produits bio dans la restauration collective : quel premier bilan ?

Laurent Guglielmi : tout est bon et bio dans le cochon

Tout est bon dans le cochon. Surtout quand l’animal est bien sélectionné, sainement alimenté… et qu’on le prépare avec talent. Avec LE MARZAN, le cochon BIO de CHB, Laurent Guglielmi plaide pour une charcuterie BIO de haute qualité. Et il (re)part à la conquête de nouveaux consommateurs, avec une arme majeure : le plaisir.

A La Bazoche-Gouët, dans le Perche, les porcs sont élevés sur litière avec le souci du bien-être animal. « CHB est depuis longtemps une référence dans la charcuterie haut-de-gamme pour les restaurateurs », explique Laurent Guglielmi, qui a repris l’entreprise en 2005. En 2018, ce passionné à l’enthousiasme communicatif a choisi de développer le bio, par conviction environnementale. Avec un double credo : la qualité (« bio et bon »), et un raisonnement en filière. « Le bio est un peu plus cher en raison de plus faibles volumes, explique-t-il. Il faut donc penser l’ensemble de la filière, sous peine de se mettre hors-marché. Et ne pas avoir peur de la massification, dès lors que l’on reste intraitable sur la qualité ! »

La qualité, pour lui, c’est d’abord un bon cochon (bien choisi et sainement nourri) ; c’est le savoir-faire charcutier ensuite. « Il faut les deux, c’est indispensable ! » C’est sur cette base que l’entreprise propose près de 70 références bio, du jambon blanc au boudin noir en passant par l’andouillette et le bacon. Le tout sans liants artificiels, sans gluten ni allergènes, sans exhausteurs de goût, en allant parfois plus loin que le cahier des charges de l’agriculture biologique !

Laurent Guglielmi en est convaincu : concilier engagement environnemental et performance économique est possible. « On peut résoudre tous les problèmes dans une même équation ! » La clé ? Moins de viande, mais de la viande de meilleure qualité. Car « massifier le bio » ne signifie pas la course aux volumes à tout prix – et surtout pas pour le consommateur : 60 à 80g de viande par jour, voilà qui suffit à répondre aux besoins réels… « Et là, vous aurez les moyens de manger bio », conclut-il tel le professeur de mathématiques achevant avec le sourire une démonstration au tableau.

Ce pari de la croissance du bio par la qualité s’est révélé payant dès les premières années d’activité. De 50 porcs par semaine en 2018, CHB est passé à 300 en 2020. La crise Covid a été traversée tant bien que mal… Mais fin 2022, patatras : le marché dégringole. Pour 2023, l’entreprise redescend à 80 porcs par semaine. La raison ? La grande distribution, qui a sacrifié le bio sur l’autel du pouvoir d’achat. « Nous avons presque tout perdu en GMS », déplore Laurent Guglielmi, qui ne baisse pas les bras pour autant. « Nous sommes là pour faire du bon, et quand on nous laisse dans les rayons, ça marche, assure-t-il. La preuve : dans les magasins spécialisés, on grignote des parts de marché aux marques distributeurs. »

Une lueur d’espoir dans un moment délicat pour toutes les filières bio. « Personne ne veut voir son environnement dégradé, insiste le chef d’entreprise. Il faut lutter contre cette crise d’intérêt pour le bio, et remettre tous les enjeux sur la table ».

Cette « crise d’intérêt », pour lui, ne s’explique pas seulement par la conjoncture internationale. Il y voit aussi les effets d’une crise de croissance : « Importer des produits bio pour répondre à l’engouement pour le bio a brouillé le message alors qu’il aurait mieux valu consolider les ventes », analyse-t-il, tout en pointant une deuxième dérive : « On s’est beaucoup concentré sur le cahier des charges, au risque d’oublier un peu l’organoleptique. Or, c’est bien cela l’essentiel :on ne rachète un produit que si on y a trouvé du plaisir par le goût ! »

Avec ses charcuteries savoureuses, Laurent Guglielmi sonne l’heure de la reconquête. Fort de convictions solides, et de l’envie de mettre en avant le plaisir. « Regardez Thibaut Spiwack, conclut-il en désignant le chef étoilé, à l’œuvre sur le stand de l’Agence Bio au Salon de l’Agriculture : quand on lui donne une bonne matière première, il s’éclate, il invente ; il va même plus loin que nous ! On a besoin de ces gens-là, pour faire découvrir le bio autrement, et ne surtout pas nous enfermer en ne prêchant qu’à des convaincus ». Tout est dit. Et maintenant, bon appétit !

Hervé Longy, le maire qui passe sa cantine en bio -presque- du jour au lendemain !

Élu maire en 2020, Hervé Longy n’a pas eu besoin des six années de son mandat pour remplir sa promesse sur le bio, mais de six mois seulement !

Cet ancien directeur d’exploitation au lycée agricole de la ville de Naves, 2400 habitants, a mis en œuvre les mêmes méthodes que celles employées là-bas : « on m’a toujours dit que c’était trop cher, que ça ne fonctionnerait pas. Et nous sommes passés au bio en 1998 et au 100% bio en 2009 en travaillant avec les agriculteurs, en les accompagnant vers le mieux disant. Le changement s’est produit lorsque nous avons amené les produits au lycée, qui est doté d’un atelier de taille significative. Avec FORMA bio, nous avons déployé le plan EPA (enseigner produire autrement) et une fois que le pli est pris, on ne revient plus en arrière ».

Pour la ville, l’opération a donc permis de passer de 1,5% à 65% de bio dans les 180 repas quotidiens de la cantine en six mois seulement. Hervé Longy est allé voir tous les producteurs locaux qui ont soutenu sa démarche, ce d’autant qu’il s’est engagé à ne jamais négocier les prix avec eux « c’est un principe de base. Ils savent ce dont ils ont besoin pour vivre. On focalise sur le coût matière, mais c’est un faux débat, cela ne représente qu’une petite part du coût des repas, au milieu de la main d’œuvre, du transport et autres. Passer au bio a représenté un surcoût minime : de 1,70 euros à 1,88 euros par repas, c’est tout à fait supportable et nous avons trouvé les fonds en économisant sur l’éclairage nocturne, bien avant la guerre en Ukraine, c’est frappé au coin du bon sens ».

Au-delà de la vertu économique et environnementale avec les producteurs locaux,  Hervé Longy identifie trois indicateurs clés du succès de la démarche : « d’abord, concernant le goût. Aucun instituteur ne mangeait à la cantine auparavant et ils y mangent tous désormais ! Ensuite, nous nous faisons gentiment disputer par des parents qui disent que leurs enfants ne veulent plus que du bio chez eux pour faire aussi bien qu’à la cantine : quand nous prévoyions 10 kilos de tomate naguère, nous passons à 15 kilos, car les mômes se resservent et ça c’est la plus belle des récompenses ! Et le dernier à profiter de la démarche, c’est le chef que nous avons embauché. Ça donne du sens à son métier : au lieu d’être dans une cantine ouvre-boîte dans laquelle il se contente de servir du sous-vide que les enfants touchent à peine, il pèle lui-même les patates pour faire des frites que les enfants s’arrachent ». A celles et ceux qui croient que passer leur cantine en bio prendra nécessairement des années et grèvera les comptes municipaux, allez faire un tour en Corrèze vous détromper pour la bonne cause !  

Camille Labro, propagatrice d’une idée folle

Incontournable journaliste culinaire depuis vingt ans, Camille Labro a cessé de répondre aux sollicitations de médias et d’éditeurs guignant sa signature, pour consacrer toute son énergie à L’école comestible, une association qui introduit les légumes bio dans les écoles publiques et réalise l’impensable : faire aimer le chou rave aux bambins.

Personne ne se souvient que le 11 septembre 2001, à New York, se tenait la fashion week. Camille Labro, si. Alors journaliste mode, elle était sur place pour Paris Première et se retrouve du jour au lendemain à filmer les conséquences du désastre. L’idée mûrit de quitter deux vies : les États-Unis et une forme de journalisme distancié.

Rentrée en France en 2002, elle croise Isabelle Lefort, rédactrice en chef du supplément de la Tribune, qui lui confie une page hebdomadaire sur le sujet de son choix et l’évidence la saisit « je devais trouver un sujet dont je ne me lasserai jamais, que je pouvais explorer sous tous les angles et je me suis dit « mais bien sûr ! La bouffe ! ». L’exigence d’Isabelle a décuplé ma motivation et j’ai rencontré tout le monde dans le milieu. D’abord, pour essayer de comprendre, ensuite pour donner à voir celles et ceux qui nous nourrissent bien. On me dit parfois que c’est du journalisme engagé, à la limite du lobbying, mais moi j’assume de parler des paysans, de celles et ceux grâce à qui on mange mieux et qu’on ne voit pas assez ».

2003-2023 : vingt années de portraits, de pages dans le M du Monde, de livres et de documentaires comme « le bonheur est dans l’assiette » pour Arte. Cela aurait pu continuer de façon exponentielle, mais en 2019, sa famille la met face à ses responsabilités : « d’abord, je vois ma fille de 5 ans faire des maths avec justesse en comptant les haricots que nous avions planté. Ensuite, mon fils entre dans une école primaire qui dispose d’un jardin sur le toit. Je demande à l’institutrice ce qu’ils y font et elle me répond « nous n’y allons jamais, nous n’aurions pas le temps de finir le programme ! ». Je tombais des nues… Et puis ma marraine, la restauratrice et fondatrice de Edible schoolyard (Ecoles Comestibles) Alice Waters, me rendit visite. En regardant la carte des 5000 « Edible schoolyards » créés dans le monde, elle me demanda : « Camille, how come there is nothing in France ? The country of gastronomy !”. Je me suis alors dit que je n’étais pas allé au bout de mes responsabilités pour mieux faire manger les Français et je me décidais à lancer L’école comestible ».

L’histoire devait se lancer tout doucement avec un anodin post Facebook dans la torpeur d’août « on va lancer L’école comestible en France. Who’s in ? » et face à l’avalanche de réponses positives, de propositions, L’école se développe à toute vitesse malgré le Covid.

Depuis sa création, L’école a dispensé 1400 ateliers, compte 4 salariés, une centaine de bénévoles et trois antennes régionales, et a accompagné des villes qui veulent développer le programme en autonomie. Ce ne sont pas ces chiffres là que Camille Labro retient en premier, mais celui de moins de 1% : « c’est celui du refus de goûter. Qui ne nous arrive donc presque jamais. Les enfants passent les ateliers les mains sales et la bouche pleine, ils triturent et goûtent, et goûtent encore avec des surprises émerveillées. Ils goûtent cru, tirent la langue, mettent de l’huile, un trait de citron, du sel et en redemandent. Même, voire surtout avec du topinambour, ou notre produit star, le chou rave ! ». Pour celles et ceux qui seraient sceptiques, allez voir le film de présentation de l’association (https://www.ecolecomestible.org/) soit tous les enfants sont éligibles aux Césars de meilleurs espoirs, soit ça marche vraiment.   

Après des débuts improvisés avec ses propres enfants comme « cobayes », l’association se structure très rapidement, produit des fiches pédagogiques et 15 kits sur des thématiques aussi diverses que l’incontournable cagette de légumes de saison, la découverte des légumes, graines et grains, sens et goûts, herbes aromatiques, anti gaspi…  Tous ces sujets sont traités en atelier d’1h30, impérativement pendant le temps scolaire, principalement de la grande section de maternelle jusqu’au CM2 avec des modules adaptés à l’âge des enfants. Les ateliers ont lieu dans des écoles publiques, avec un souci d’aller dans les écoles où les enfants n’ont pas accès au bio, et uniquement avec des légumes, et rien d’autre : « d’un point de vue pragmatique, les légumes ont tous les avantages. C’est plus simple dans une perspective d’hygiène que des viandes ou poissons et ne pose aucun problème d’allergie ou d’interdits alimentaires. Surtout, les enfants ne savent rien des légumes, ils reconnaissent tout juste les carottes ou les radis, mais ne connaissent rien de la production, de la récolte, la saison, le goût… Pour eux les betteraves, ce sont des cubes rouges dégoûtants servis à la cuisine ».

Pour démythifier les légumes, L’école comestible propose de venir avec les producteurs directement, des artisans et des chefs, pour cuisiner dans la salle de classe. Ils discutent et racontent toute la vie des légumes en explorant, sans s’appesantir, tout le programme scolaire : « les proportions des recettes font faire des maths, rutabaga et topinambour enrichissent le vocabulaire, et les épices offrent un prétexte pour parler géographie et histoire avec leur provenance. Les enfants retiennent et assimilent tout sans effort ».

Et la chaîne de lutte contre « l’illettrisme alimentaire » ne s’arrête pas aux enfants, puisque les professeurs impliqués s’engagent de manière pérenne dans l’association (nombre d’entre elles et eux, quand c’est possible, tentent d’installer un potager au sein de l’école) et les parents des élèves, parfois, changent leurs habitudes courses et vont au marché. Pour le reste, l’avenir de L’école comestible sera ce que les personnes impliquées pour mieux manger en feront, et les ateliers dispensés en classe étant gratuits pour les écoles, un don ici planterait déjà quelques graines.